Indonésie : la démocratie ébranlée par des arrestations massives
Jakarta, septembre 2025. Les chiffres donnent le vertige : plus de 3 300 personnes interpellées en une semaine de manifestations à travers l’archipel. Officiellement, seules 55 ont été inculpées. Les autres restent sous enquête ou détenues sans clarté sur leur statut.
Derrière ces chiffres, un autre drame : 20 disparus, selon l’ONG KontraS. Des familles attendent des nouvelles, sans savoir si leurs proches sont en prison, hospitalisés, ou simplement effacés dans les zones d’ombre d’un système répressif.
Ces arrestations massives rappellent les heures sombres du « Nouvel Ordre » sous le général Soeharto. Elles posent une question simple mais fondamentale : que vaut la troisième plus grande démocratie du monde si manifester conduit à la disparition ou à la prison arbitraire ?
Le signal Tiananmen
Comme si la symbolique ne suffisait pas, le président Prabowo Subianto est apparu ce matin sur la place Tiananmen, à Pékin, aux côtés de trois des dirigeants les plus autoritaires de la planète : le président chinois Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine et le leader nord-coréen Kim Jong-un.
La photo, rapidement relayée sur les réseaux, attire l’attention : le président apparaît sur la place Tiananmen, symbole du massacre des étudiants de 1989, alors que son pays traverse actuellement une période de contestation sociale.
Le spectre du passé
Pour de nombreux Indonésiens, cette image ravive des souvenirs douloureux. Prabowo Subianto n’est pas un président ordinaire : ancien général de l’armée, il aurait été, selon des ONG et des rapports historiques, associé à l’unité controversée Tim Mawar dans les années 1990, accusée d’avoir enlevé des militants pro-démocratie.
Sous le régime de Soeharto, plusieurs étudiants et activistes critiques ont été kidnappés par cette unité. Certains sont réapparus, profondément marqués par ces épreuves, tandis que d’autres n’ont jamais été retrouvés. Ces événements, longtemps passés sous silence, restent ancrés dans la mémoire collective. Ironie tragique : l’homme soupçonné d’être lié à cette histoire dirige aujourd’hui un pays qui se présente comme la « troisième plus grande démocratie du monde ».
Vers une dictature ?
La répression actuelle, les arrestations massives et les disparitions de manifestants font craindre une continuité plutôt qu’une rupture. Les observateurs internationaux s’interrogent : l’Indonésie n’est-elle pas en train de glisser vers une démocratie de façade, où le suffrage universel sert de vernis à un pouvoir de plus en plus autoritaire ?
À l’heure où les familles cherchent leurs disparus et où les ONG dénoncent des violations flagrantes des droits humains, Prabowo se montre au monde en compagnie des autocrates les plus puissants. Le message est clair : son modèle politique ne regarde pas vers l’ouverture, mais vers la force.
L’histoire se répète, et la question brûle désormais : l’Indonésie est-elle en train de refermer la parenthèse démocratique ouverte en 1998, pour revenir, sous d’autres habits, à l’ombre du Nouvel Ordre ?
Source :
https://www.tempo.co/hukum/ylbhi-3-337-orang-di-20-kota-ditangkap-polisi-saat-demo-sepekan-2066005