Parlement indonésien : repentir ou simple mise en scène ?
Jakarta, le 3 septembre 2025. Dans les couloirs du Parlement, l’air était lourd, presque solennel. La délégation étudiante, venue porter la voix d’une jeunesse en colère, fut reçue par Sufmi Dasco Ahmad. Le vice-président de la Chambre, d’ordinaire sûr de lui, laissa transparaître une gravité inhabituelle.
Les excuses d’un pouvoir ébranlé
Le nom d’Affan Kurniawan, chauffeur de moto-taxi écrasé par un véhicule blindé de la police, tout comme celui des étudiants tombés lors des récentes manifestations, planait comme une ombre silencieuse sur la rencontre.
Avec des mots soigneusement choisis, Dasco demanda pardon. « Le Parlement doit se corriger », déclara-t-il, promettant que les excuses ne resteraient pas des paroles en l’air mais s’accompagneraient de réformes tangibles : révision des indemnités, moratoire sur les voyages officiels, et une reconstruction institutionnelle sous la houlette de Puan Maharani, fille de l’ancienne présidente Megawati et petite-fille de Soekarno, le premier président de l’Indonésie.
Entre sincérité et soupçon de sandiwara
Dans l’instant, l’image avait quelque chose de fort : un Parlement en position d’accusé face à une jeunesse meurtrie. Mais en dehors des murs de Senayan, dans les cafés enfumés et sur les réseaux sociaux, une question se posait déjà : fallait-il croire à cette conversion soudaine, ou n’était-ce qu’un théâtre habile, une scène répétée mille fois dans l’histoire politique indonésienne ?
Beaucoup parlaient de sandiwara, cette mise en scène destinée à apaiser la rue sans jamais bousculer l’ordre établi. D’autres, plus indulgents, y voyaient un geste d’apaisement sincère, un premier pas, fragile mais réel, vers une réforme qui ne viendrait qu’avec la pression constante de la société civile.
Les promesses et l’attente
La promesse d’une réunion conjointe entre le Parlement, le gouvernement et les représentants étudiants, nourrissait l’attente. Trois sujets brûlants devaient y être abordés : une enquête sur les circonstances des émeutes, le projet de loi relatif à la confiscation des avoirs, et les revendications fiscales de la population.
Autant de dossiers sensibles qui, menés avec sérieux, pourraient dessiner un nouveau rapport entre les citoyens et leurs institutions. Mais la mémoire collective reste vive : combien de fois les Indonésiens ont-ils vu défiler ces promesses de réforme qui s’évaporent une fois l’émotion retombée ?
Rumeurs, théories et vigilance populaire
Au fil des heures, les rumeurs allaient bon train. Beaucoup affirmaient que la rencontre avec les étudiants n’était qu’un scénario mis en scène par les élites pour reprendre le contrôle du récit. Certains soupçonnaient également que la commission d’enquête pourrait être détournée pour criminaliser certains manifestants, en les présentant comme auteurs de makar, c’est-à-dire une tentative de subversion.
D’autres encore assuraient que la révision des indemnités n’était qu’un simple jeu comptable, sans diminution réelle des privilèges parlementaires. Et puis, il y avait ceux qui voyaient dans la mise en avant de Puan Maharani une stratégie calculée : adoucir l’image du Parlement tout en assurant la continuité d’un système inchangé.
Conclusion
Le drame, finalement, ne se joue pas seulement dans les bureaux lambrissés du Parlement. Il se joue dans la rue, dans la vigilance d’une jeunesse qui n’oublie pas ses morts et qui refuse d’être berçée par de belles paroles.
Le Parlement a présenté ses excuses, mais l’Indonésie entière attend de voir si, derrière le rideau, s’écrit une histoire nouvelle ou si la pièce terminera comme tant d’autres, par le retour au silence.