Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 3 octobre 2025

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L’assiette gratuite, la facture politique : le vrai visage du MBG indonésien

En Indonésie, le programme MBG promet des repas nutritifs gratuits à 80 millions d’enfants et de mères vulnérables. Présenté comme une révolution sociale, il suscite pourtant des interrogations : bienfaits réels, effets politiques, opportunités économiques et zones d’ombre dans sa mise en œuvre.

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L’assiette gratuite, la facture politique : regards sur le MBG en Indonésie

Le programme MBG (Makan Bergizi Gratis), lancé en Indonésie avec l’ambition de fournir des repas nutritifs gratuits à environ 80 millions d’enfants et de mères vulnérables, est présenté comme une grande avancée sociale. L’objectif officiel est clair : améliorer la santé, réduire la malnutrition, renforcer le capital humain. À première vue, la promesse est séduisante. Mais toute politique publique de cette envergure mérite d’être examinée sous plusieurs angles, y compris ses effets secondaires et ses bénéficiaires indirects.

Il est indéniable que de nombreux enfants indonésiens profiteront de repas plus réguliers et plus équilibrés. Cela peut contribuer à réduire certains obstacles à l’apprentissage liés à la nutrition. Cependant, la distribution d’un repas quotidien, aussi louable soit-elle, ne saurait à elle seule corriger les déséquilibres structurels du système éducatif ou résoudre les inégalités sociales profondément enracinées. Le risque est de surévaluer l’impact d’une intervention symbolique au détriment de réformes plus fondamentales.

Du côté des familles, le MBG peut représenter un soulagement financier bienvenu. Néanmoins, on ne peut ignorer que le financement de ce programme provient du budget national, donc en partie des contribuables eux-mêmes. Dans ce sens, l’État indonésien apparaît à la fois comme pourvoyeur et collecteur, redistribuant les ressources avec une forte charge symbolique et politique.

Un autre aspect mérite attention : la dimension économique. Alimenter quotidiennement des millions de bénéficiaires implique une logistique colossale et ouvre un marché gigantesque. Les acteurs de la production alimentaire, de la distribution et du transport deviennent, de facto, des partenaires clés du programme. On pourrait y voir une opportunité de dynamiser l’économie locale, mais certains observateurs craignent aussi que cela crée des rentes ou des dépendances au profit d’élites ou de réseaux privilégiés.

Sur le plan politique, il est évident que toute initiative d’une telle ampleur a aussi une dimension de communication. Distribuer de la nourriture n’est pas seulement un acte social : c’est un geste hautement visible, porteur de symboles et de reconnaissance publique. Comme ailleurs dans le monde, la frontière entre politique sociale et stratégie d’image est poreuse, et le MBG illustre cette tension.

Enfin, certaines critiques internes pointent les limites possibles du programme : pression budgétaire sur d’autres secteurs, incidents isolés liés à la qualité des repas, et question de la durabilité financière. Ces réserves n’annulent pas les bénéfices, mais elles rappellent qu’un projet de cette ampleur ne peut être jugé uniquement par ses intentions.

En somme, le MBG en Indonésie apparaît comme une politique à double visage : d’un côté, une intervention sociale de grande ampleur qui peut améliorer le quotidien de millions de personnes ; de l’autre, une opération logistique et politique dont les effets réels dépendront moins des slogans que de la qualité de sa mise en œuvre, de la transparence des mécanismes, et de la capacité à accompagner ce programme d’autres réformes structurelles.

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