La Palestine trahie ? Quand Prabowo parle de « deux États »
Le président Prabowo Subianto, à la tribune des Nations Unies, a cru faire un geste diplomatique audacieux : déclarer son soutien à la liberté des Palestiniens tout en évoquant la possibilité de reconnaître Israël à travers la fameuse « solution à deux États ». Mais en Indonésie, cette déclaration est vécue par certains comme un coup de poignard dans le dos.
Parmi les voix les plus virulentes, celle de KH Athian Ali M. Da’i, président du Forum des Ulémas et Musulmans d’Indonésie. Pour lui, accepter deux États, c’est entériner un vol : reconnaître la légitimité d’un occupant sur une terre spoliée. C’est, pire encore, trahir la Constitution elle-même. Car le Préambule de 1945 ne souffre pas d’ambiguïté : « la liberté est le droit de toutes les nations » et « toute domination coloniale doit être abolie ». Comment un dirigeant indonésien peut-il plaider, au nom de la paix, pour une formule qui valide une domination coloniale contemporaine ?
Aux yeux des conservateurs musulmans, la logique de Prabowo est non seulement dangereuse, mais absurde. Si l’Indonésie avait appliqué la même recette, elle aurait dû « partager » ses terres avec les Hollandais ou les Japonais. Aurions-nous accepté une « Indonésie à deux États », moitié colonie, moitié République ? Jamais. Pourquoi donc imposer aux Palestiniens ce que nous-mêmes avons toujours refusé ?
Il y a là une hypocrisie flagrante. On proclame soutenir la souveraineté palestinienne, mais en même temps on propose un compromis qui légitime l’occupant. On se drape dans les habits du médiateur, mais on oublie que toute paix bâtie sur l’injustice est une paix factice. Derrière les beaux discours de diplomatie, c’est la douleur des Palestiniens qui continue, les check-points, les bombardements, l’exil.
Cette position présidentielle révèle une fracture plus profonde : d’un côté, une élite politique fascinée par les équilibres géopolitiques, prête à avaler des compromis pour être respectée dans les salons internationaux ; de l’autre, un peuple qui se souvient que la République d’Indonésie est née dans la lutte contre le colonialisme, et qui refuse qu’au nom du « réalisme », on trahisse cette mémoire.
Refuser la « solution à deux États », ce n’est pas du dogmatisme, c’est une fidélité. Fidélité à l’histoire indonésienne, fidélité aux opprimés, fidélité à un principe simple : un peuple colonisé n’a pas à négocier sa liberté, il a à la reconquérir. Tout le reste n’est que rhétorique pour puissants.
Alors oui, il faut le dire avec force : soutenir la Palestine ne peut pas signifier reconnaître Israël. Le choix est clair : ou bien la République d’Indonésie reste fidèle à sa Constitution, à ses idéaux anti-coloniaux, et se tient sans compromis aux côtés des Palestiniens ; ou bien elle sacrifie son âme sur l’autel des jeux diplomatiques.
La question est posée : Prabowo, voulez-vous être le porte-parole du peuple indonésien, ou l’avocat d’une imposture historique ?
Source :
https://suaraislam.id/kritik-pidato-prabowo-kh-athian-ali-solusi-dua-negara-sama-dengan-khianati-konstitusi-ri/