Papouasie occidentale : la paix proclamée, la peur bien réelle
Dans plusieurs villes indonésiennes, des étudiants papous prennent régulièrement la parole pour réclamer le retrait des forces militaires. Ces unités, souvent envoyées depuis d’autres régions et lourdement équipées, patrouillent dans les villages et zones habitées, suscitant inquiétude et tension parmi la population locale.
La peur est diffuse : les habitants voient leur vie quotidienne perturbée, de l’agriculture aux déplacements, et redoutent que ces patrouilles deviennent permanentes. Les étudiants, souvent issus des mouvements civiques ou des universités de la région, appellent à un dialogue plus étroit avec les autorités pour comprendre la nature et la durée de ces missions.
Cette situation s’inscrit dans un contexte historique complexe. Depuis l’intégration controversée de la Papouasie occidentale à l’Indonésie dans les années 1960, la région connaît une militarisation constante, avec des tensions régulières entre la population locale et l’État indonésien.
Le nombre de victimes papoues varie selon les sources, allant de 100 000 à un million sur six décennies. Il est difficile de mesurer l’ampleur du drame en raison de la fermeture de la région aux journalistes d’investigation, malgré les recommandations des organes des droits de l’homme de l’ONU.
Le gouvernement indonésien affirme qu’« il n’y a pas de guerre en Papouasie » et que les incidents armés relèvent de faits isolés ou de criminalité. En 2024, l’ancien président Joko Widodo avait déclaré que la situation en Papouasie était bonne à 99 %. Pourtant, la présence visible de troupes lourdement armées dans les villages contredit ces assurances.
Emanuel Gobay, directeur de l’ONG d’aide juridique LBH Papua, estime qu’il y aurait environ 50 000 soldats dans les six provinces de la Papouasie indonésienne, ce qui correspond approximativement à un soldat pour une centaine habitants. Pour la population, cette militarisation est perçue comme une pression constante et une source d’insécurité.
Les revendications des étudiants papous ne sont pas de simples symboles : elles traduisent un besoin réel de sécurité et de reconnaissance de la vie civile. Elles rappellent aussi que la stabilité ne peut se réduire à une démonstration de force ; elle nécessite un dialogue constant, la prise en compte des besoins locaux et un équilibre entre sécurité et vie quotidienne.
Aujourd’hui, la Papouasie occidentale apparaît comme un territoire où les paroles officielles et l’expérience vécue ne coïncident pas. La demande de retrait des troupes, portée par des étudiants conscients des risques et de l’histoire de leur région, montre que la confiance se construit par la transparence et le respect, et non par la seule présence militaire.
La question reste donc fondamentale : comment concilier sécurité, ordre public et vie normale dans une région qui aspire à la sérénité tout en étant sous le regard permanent des armes ?
Sources :
https://suarapapua.com/2025/10/03/mahasiswa-papua-tengah-desak-presiden-tarik-pasukan-militer-non-organik-dari-paniai/
https://www.xn--philippepataudclrier-p2bb.com/la-vie-des-papous-compte/
https://humanrightsmonitor.org/news/papuan-students-protesting-against-g20-summit-in-jayapura-and-bali-face-torture-ill-treatment-and-intimidation/
https://www.ucanews.com/news/indonesian-prez-slammed-for-claiming-papua-99-percent-safe/101915