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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 4 août 2025

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Indonésie : vers une possible évolution du pacte Prabowo-Jokowi ?

Derrière les sourires et les poignées de main, le pacte entre Prabowo Subianto et Joko Widodo semble vaciller. Si l’alliance entre l’ancien général et le président sortant a longtemps symbolisé une transition pacifique, les tensions sous-jacentes et les ambitions personnelles pourraient bien redéfinir l’équilibre politique indonésien.

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Indonésie : vers une possible évolution du pacte Prabowo-Jokowi ?

Tout commence souvent par une poignée de main, une accolade, des sourires mesurés. L’image d’une transmission paisible, d’un pouvoir qui se transmet comme un témoin précieux.

En Indonésie, ce scénario est régulièrement associé à Prabowo Subianto succédant à Joko Widodo — plus connu sous le surnom de Jokowi — avec la présence symbolique de Gibran Rakabuming Raka, le fils du président sortant, qui incarne cette continuité dans les coulisses du pouvoir.

Prabowo Subianto, pilier d'une transition sous surveillance ?

Depuis l’annonce officielle des résultats, les deux hommes ne cessent d’afficher une complicité palpable. Sur les photos et vidéos diffusées dans les médias, Jokowi pose sa main sur l’épaule de Prabowo, signe d’un soutien affiché et d’un respect mutuel qui se veut rassurant pour l’opinion publique indonésienne. Une alliance politique qui, malgré son apparente harmonie, cache cependant une réalité plus complexe.

Prabowo Subianto, figure militaire expérimentée mais autrefois plusieurs fois battue lors des scrutins présidentiels, s’impose désormais comme le successeur désigné d’un président civil aux aspirations modernes. Ce rapprochement, qui a surpris une partie des analystes, semble traduire une volonté pragmatique d’éviter les frictions et de garantir une certaine stabilité politique dans la plus grande démocratie musulmane du monde.

Gibran, la pièce maîtresse de l’héritage Jokowi ?

Au cœur de ce jeu subtil, Gibran Rakabuming Raka, âgé de 36 ans, joue un rôle aussi symbolique que stratégique. Nommé vice-président à la suite d’une décision controversée de la Cour constitutionnelle, son ascension est perçue par certains comme une manière pour le clan Jokowi de maintenir une influence au sein des institutions, tandis que d’autres y voient un choix politique logique, ancré dans la dynamique familiale et générationnelle.

Leadership partagé, cap incertain ?

Cette nouvelle configuration politique confronte deux visions du leadership. Prabowo incarne une posture axée sur la souveraineté nationale et la sécurité renforcée, tandis que Jokowi s’était fait le chantre du développement économique rapide et de l’ouverture technologique. Le président nouvellement installé semble vouloir maintenir certaines des orientations initiées par son prédécesseur, à l’image des grands projets comme la construction de la nouvelle capitale, Nusantara.

Pourtant, certains gestes traduisent une inflexion politique. La cérémonie nationale du 17 août, fête de l’indépendance, se tiendra cette année à Jakarta, contrairement à l’an passé où elle avait eu lieu à Nusantara — un choix qui ne manque pas de symbolique, soulignant peut-être une volonté de recentrer le pouvoir.

Cohabitation en surface, rivalités en coulisses ?

Cela dit, en dehors du palais présidentiel, Jokowi reste une figure de poids, malgré la rareté croissante de ses apparitions publiques. L’influence qu’il conserve à travers des réseaux bien établis dans de nombreux secteurs soulève des questions sur les nouveaux équilibres du pouvoir. Une configuration inédite, qui donne à cette transition les accents d’une cohabitation subtilement tendue.

Avec l’élection présidentielle prévue en 2029, les spéculations sur les ambitions politiques de chacun s’intensifient. Gibran est souvent cité comme un candidat potentiel, bénéficiant de l’appui paternel, tandis que Prabowo devra naviguer habilement au sein de ces tensions internes pour asseoir sa légitimité.

Réajustements silencieux au sommet de l’État ?

Les coulisses du pouvoir indonésien sont en pleine mutation, entre réajustements d’alliances et recompositions. L’exercice politique dans cet archipel immense reste un fragile équilibre entre continuité et changement.

Si l’Indonésie fait de l’unité dans la diversité un principe fondateur, la pratique politique exige souvent des compromis discrets et des négociations en coulisses. La construction d’une gouvernance stable et harmonieuse requiert à la fois prudence et patience.

Tandis que les discours officiels soulignent la coopération et la continuité, les dynamiques réelles du pouvoir appellent à une vigilance de chaque instant. En effet, le partage du pouvoir reste un exercice fragile, qui ne pourra se concrétiser que dans un climat de confiance réciproque et d’engagement commun pour l’avenir.

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