Le théâtre des baïonnettes : quand l’Indonésie fêtera son armée
Le 5 octobre prochain, l’Indonésie fêtera les 80 ans de son armée par un spectacle grandiose : 133 000 soldats, plus de mille systèmes d’armes, un ballet de blindés, d’hélicoptères et d’avions de chasse.
Une célébration aux allures de rituel
Officiellement, ce sera un anniversaire, une fête nationale. Mais au-delà des fanfares, cette célébration aura quelque chose d’un rituel : non pas la mémoire d’un passé héroïque, mais la mise en scène d’une puissance censée rassurer, impressionner, et rappeler que la nation s’incarne encore dans ses armes.
Le faste comme miroir des fragilités
Il sera tentant d’admirer l’ampleur du défilé, d’y voir une preuve de modernité et de discipline. Pourtant, ce faste dira aussi quelque chose de la fragilité qu’il cherchera à dissimuler. Montrer des milliers d’uniformes et de machines sophistiquées, ce sera affirmer une souveraineté par la façade, comme si la force visible compensait d’autres faiblesses : pauvreté persistante, services publics insuffisants, fractures sociales. Dans ce sens, la parade deviendra miroir : reflet éclatant d’une puissance militaire, mais aussi ombre silencieuse des défis civils non résolus.
La souveraineté en question
Ce type de démonstration invitera à réfléchir : de quoi voudra-t-on convaincre ? Des citoyens, qu’ils doivent leur unité à la protection de l’armée ? Des voisins, qu’il serait imprudent de sous-estimer Jakarta ? Ou bien soi-même, pour continuer à croire que la République se maintient par la force plus que par la justice sociale ? L’anniversaire de la TNI deviendra alors un moment révélateur : une société qui célébrera autant ses baïonnettes que son peuple se racontera encore à travers la puissance armée. Reste à savoir si cette dramaturgie de la force sera un signe de confiance, ou l’aveu discret d’une inquiétude.
Fidélité au peuple ou au régime ?
Derrière ces images d’unité nationale, une question plus profonde surgira : à qui l’armée dira-t-elle sa fidélité ? À la population dont elle proclamera être le bouclier, ou au régime dont elle protègera la stabilité ? L’histoire indonésienne, marquée par le rôle politique des militaires, montre que cette loyauté a souvent été ambiguë, oscillant entre défense de la nation et défense du pouvoir. Le défilé du 5 octobre ne donnera probablement pas de réponse claire : il laissera planer ce doute essentiel, celui d’une armée qui brillera dans la rue, mais dont la fidélité véritable restera à interroger.
Source :
https://tirto.id/133-ribu-prajurit-1047-alutsista-dipamerkan-di-hut-ke-80-tni-hiXb