« 17+8 » : le manifeste chiffré d’un peuple en colère
À Jakarta, Semarang et Yogyakarta, les pancartes blanches et rouges brandies dans les rues portaient une formule énigmatique : 17+8. Deux nombres qui, assemblés, résonnent comme une équation politique. Derrière ce code, se cache une liste de 25 revendications populaires qui, en quelques jours, ont embrasé les réseaux sociaux et trouvé un écho dans la rue.
Un symbole né de la tragédie
Tout est parti d’un drame. Le 28 août 2025, Affan Kurniawan, conducteur de moto-taxi, est mort écrasé par un véhicule de la police antiémeute lors d’une manifestation. Son nom est devenu un cri de ralliement. En mémoire de cette mort brutale, des étudiants, des syndicalistes et des influenceurs ont uni leurs voix. Sur Instagram, TikTok et X, le hashtag #178TuntutanRakyat s’est propagé comme une traînée de poudre.
Dans ce tumulte, les chiffres ont pris une force symbolique. 17, comme le 17 août 1945, jour de la proclamation de l’indépendance. 8, comme le mois d’août lui-même. Ensemble, 17+8, un rappel patriotique transformé en arme citoyenne : l’indépendance n’est pas finie, disent les manifestants, elle doit être complétée par justice et égalité.
Les 17 exigences immédiates
Ce manifeste en 25 points se divise en deux blocs. D’abord 17 revendications urgentes, à réaliser avant le 5 septembre 2025. Elles visent six institutions-clés :
- La présidence : retirer l’armée des opérations civiles, enquêter sur les violences policières et militaires.
- Le Parlement (DPR) : geler les privilèges et salaires des députés, imposer la transparence budgétaire, sanctionner les abus.
- Les partis politiques : discipliner leurs cadres, dialoguer avec la société civile.
- La police (Polri) : libérer les manifestants arrêtés, cesser les violences, juger les responsables.
- L’armée (TNI) : regagner les casernes, abandonner toute ingérence dans les affaires civiles.
- Le ministère de l’Économie : garantir un salaire décent, protéger les travailleurs précaires et encadrer l’outsourcing.
Autant de mesures concrètes, censées répondre à une colère qui gronde depuis des années : corruption endémique, impunité des forces de l’ordre, précarité sociale.
Les 8 réformes structurelles
À ces exigences immédiates s’ajoutent 8 réformes de fond, à mettre en œuvre d’ici août 2026. Elles touchent aux piliers mêmes de l’État :
- Réforme du Parlement et des partis politiques,
- Refonte du système fiscal,
- Loi sur la confiscation des biens des corrupteurs,
- Professionnalisation de la police,
- Retrait définitif de l’armée de la sphère civile,
- Renforcement des organes de contrôle (Komnas HAM, Ombudsman),
- Protection des peuples autochtones et de l’environnement,
- Révision des politiques économiques et de la loi Omnibus.
C’est une véritable feuille de route pour un nouveau contrat social.
Une voix portée par la société civile
Le succès de ce manifeste doit beaucoup à une génération connectée. Le texte a été élaboré à partir de propositions émanant de plus de 200 organisations de la société civile. Des influenceurs suivis par des millions d’abonnés — Jerome Polin, Fathia Izzati, Andovi da Lopez, Salsa Hutagalung — ont relayé les revendications, brisant le mur entre militantisme de rue et espace numérique.
Dans les cortèges, les slogans s’accompagnaient d’un refrain répété : « 17+8, c’est la mémoire et l’avenir ! »
Le pouvoir sur la défensive
Face à cette marée, le gouvernement a d’abord tenté de temporiser. Le ministre coordonnateur chargé du droit et des droits de l’homme, Yusril Ihza Mahendra, a promis une « réponse positive » aux revendications 17+8. De son côté, Budi Gunawan, ministre coordonnateur de la politique et de la sécurité, a annoncé une coordination avec les institutions pour examiner ces demandes. Mais dans les rues, la méfiance persiste.
« Nous voulons des actes, pas des promesses », rétorquait un étudiant à Yogyakarta, casque de moto sous le bras et pancarte dans la main.
Une bataille pour l’héritage d’août 1945
Le choix du slogan 17+8 n’est pas anodin. Il ramène le pouvoir face à ses fondations : le serment d’indépendance et la promesse de justice sociale. En liant la mémoire nationale aux luttes actuelles, les manifestants transforment deux chiffres en une arme politique.
Là réside peut-être la véritable force de ce mouvement : dépasser les clivages partisans, unir ouvriers, étudiants, paysans et influenceurs sous une bannière commune. Une bannière qui dit haut et fort que l’indépendance n’est pas terminée.
Source :
https://www.detik.com/jateng/berita/d-8097673/17-8-tuntutan-rakyat-apa-saja-ini-isi-lengkap-dan-6-pihak-yang-dituntut