Roupie en sursis : Jakarta joue à la roulette monétaire
Jakarta, 3 septembre 2025 — Le communiqué est tombé comme un coup de tonnerre : Bank Indonesia (BI) a confirmé qu’elle imprimerait 200 trillions de roupies pour financer les programmes sociaux et les promesses économiques du président Prabowo Subianto. Derrière la formule technocratique du burden sharing, une réalité crue : la planche à billets est de retour, et avec elle le spectre de l’hyperinflation.
Un professeur d’économie affirme :
« Le burden sharing, c’est la même chose que d’imprimer de la nouvelle monnaie, sauf que cela se fait sous la forme d’achats d’obligations d’État, et non par impression physique. C’est une opération qui paraît ordonnée dans le bilan de la Banque d’Indonésie, mais l’effet final est le même : la masse monétaire en circulation augmente. »
Une décision qui bouscule les certitudes
Sur le papier, le gouvernement promet un avenir radieux : logements sociaux, aides aux coopératives rurales et soutien aux infrastructures. Mais dans les couloirs des banques et des universités de Jakarta, l’inquiétude domine. Injecter de la monnaie sans croissance réelle, c’est comme verser de l’essence sur un feu latent.
Les entreprises dont l’endettement extérieur est libellé en dollars verront la valeur de leur dette s’envoler. Dans le même temps, les ménages auront tendance à conserver leur liquidité plutôt qu’à la dépenser. Au final, l’impact se traduit par une érosion du dynamisme économique.
La comparaison est brutale mais incontournable : le Zimbabwe des années 2000. Là-bas, l’impression effrénée de billets avait transformé les économies en papier sans valeur. Les prix doublaient du jour au lendemain. Les épargnes s’évaporaient. L’État avait fini par abandonner sa monnaie nationale.
Le spectre du Zimbabwe plane sur Jakarta
À Jakarta, nul ne croit encore à un tel effondrement. Mais l’alerte est là. L’inflation, aujourd’hui contenue à 2,3 %, pourrait rapidement s’emballer. Déjà, la roupie commence à s’effriter face au dollar tandis que les investisseurs étrangers observent la situation avec réserve.
Le risque n’est pas aujourd’hui, mais demain. En choisissant la facilité monétaire, on hypothèque la confiance. Or, en économie, la confiance est la monnaie invisible qui soutient toutes les autres. Sans elle, les chiffres s’effondrent comme des châteaux de cartes.
Quand la politique dicte l’économie
La décision de Bank Indonesia n’a rien d’innocent. Elle révèle combien la politique pèse désormais sur l’économie. Prabowo Subianto veut bâtir sa légitimité sur des promesses sociales grandioses. Mais à quel prix pour la nation ?
Le danger ne réside pas dans un choc brutal, mais dans une lente hémorragie : une érosion sournoise, irréversible, de la stabilité monétaire. L’Indonésie est confrontée à une question dérangeante : jusqu’où la roupie peut-elle être sacrifiée au nom des ambitions politiques ?
Pour référence, en 1990, 1 dollar équivalait à environ 1 800 roupies. Aujourd’hui, ce taux est monté à environ 16 400 roupies pour 1 dollar, ce qui représente une perte de valeur d’environ 99 % sur 35 ans.