« Moker » de Freeport : la grève de la résistance et de la souffrance
Depuis mai 2017, des milliers d’ouvriers de PT Freeport Indonesia (PTFI) – filiale du géant minier américain Freeport McMoRan, qui exploite en Papouasie occidentale la plus grande mine d’or du monde – surnommés les « moker » – mènent une lutte acharnée dans la plus longue grève syndicale de l’histoire contemporaine.
Cette lutte tenace, bien que largement ignorée, qui dure depuis plus de huit ans, n’est pas seulement un combat pour la justice sociale et la régularisation de leurs emplois : c’est aussi une profonde tragédie humaine, où la détresse individuelle se mêle au courage collectif.
Une lutte pour la dignité et la justice
En 2017, PTFI a brutalement licencié environ 8 300 de ses employés directs pour les remplacer par des sous-traitants. Privés de leur statut, de leur sécurité sociale, et de leur reconnaissance légale, ces travailleurs ont choisi de se battre. Leur grève illimitée réclame la réintégration, l’amélioration des conditions de travail, et un respect véritable de leurs droits. Ce combat a suscité le soutien de toute la communauté papoue, souvent marginalisée et oubliée dans l’industrie extractive.
Un combat marqué par la douleur et la précarité
Mais cette lutte est aussi une souffrance intime et collective. Privés de revenus stables, séparés de leurs familles, exposés à une violence économique et sociale, plusieurs grévistes ont sombré dans la dépression. Des cas tragiques de suicides ont été signalés, illustrant l’extrême désespoir dans lequel certains d’entre eux se trouvent. Face à l’absence de perspectives et au stress, beaucoup ont également basculé dans l’alcoolisme, une spirale destructrice qui affecte non seulement les travailleurs mais aussi leurs proches.
Ces drames personnels sont le reflet de l’injustice structurelle dont ils sont victimes. Ils rappellent que la grève dépasse la simple revendication salariale ou juridique : c’est un cri de survie humaine, un appel à la reconnaissance de la dignité et à la solidarité.
Une mobilisation qui inspire et interpelle
Malgré les difficultés, la détermination des « moker » ne faiblit pas. Leur grève est soutenue par des syndicats, des activistes, et une partie de la société civile indonésienne et internationale, qui dénoncent l’exploitation, le recours abusif à la sous-traitance, et la précarité généralisée dans l’industrie minière en Papouasie occidentale.
Lors de la visite du président Joko Widodo en Papouasie en 2022, les parlementaires locaux ont rappelé ses promesses non tenues envers les travailleurs licenciés de PT Freeport. Ce moment a ravivé l’espoir, mais aussi la frustration, car les négociations restent bloquées.
Emanuel Gobay, directeur du LBH Papua, une organisation d’assistance juridique en Papouasie, a déclaré :
« La Commission nationale des droits de l’homme a adressé deux courriers au gouvernement, mais depuis six ans, le président n’y a donné aucune suite. »
Il rappelle que la grève de 2017 était légale, et appelle l’État à faire respecter les droits des 8 300 travailleurs concernés.
Vers une justice sociale durable
Ce conflit montre combien il est urgent de repenser les relations de travail dans les industries extractives, en garantissant des emplois décents, un dialogue social réel, et des protections sociales effectives. Au-delà des négociations, il faut reconnaître la dimension humaine, psychologique et sociale de cette crise.
La grève des « moker » est un exemple poignant de la lutte des classes contemporaine, où des hommes et des femmes affrontent des géants économiques pour leurs droits, leur vie, et leur avenir. Elle nous invite à ne pas oublier ces visages derrière les statistiques : des travailleurs qui risquent tout, parfois au prix de leur santé mentale et même de leur vie, pour un monde plus juste.
Articles complémentaires :
Grève des travailleurs de Freeport et demande de respect des promesses présidentielles
https://en.jubi.id/on-mayday-freeport-workers-demand-jokowis-promise-to-settle-dispute-over-unilateral-layoffs/
Discussion sur les sept ans de lutte des travailleurs de PT Freeport
https://jubi.id/polhukam/2024/jelang-hari-buruh-1-mei-bem-ustj-gelar-diskusi-tujuh-tahun-perjuangan-buruh-ptfi/
Violations des droits des 8 300 travailleurs par le gouvernement et la commission des droits humains
https://suarapapua.com/2024/05/03/pemerintah-dan-komnas-ham-turut-melanggar-hak-8-300-buruh-moker-ptft/
Reconnaissance légale de la grève des 8 300 travailleurs par la Cour Suprême
https://seputarpapua.com/view/aksi-mogok-8-300-buruh-freeport-sah-oleh-ma-lbh-papua-pulihkan-hak-mereka.html/amp