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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 7 octobre 2025

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Dix mille enfants indonésiens intoxiqués : chronique d'une indifférence nationale

Plus de 10 000 élèves victimes d’intoxication alimentaire depuis janvier 2025. Le programme MBG, censé nourrir la jeunesse, révèle les failles d’un système où la négligence devient habitude et l’indifférence, réflexe. Quand la santé des enfants ne fait plus scandale, le pays se tait.

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Dix mille enfants indonésiens intoxiqués : chronique d'une indifférence nationale 

Dix mille cas d’intoxication alimentaire. Dix mille enfants touchés par un programme qui devait les nourrir, pas les rendre malades. Le MBG — Makan Bergizi Gratis, “repas nourrissant gratuit” — devait symboliser la solidarité, la santé, le progrès social. Il est devenu le visage d’une indifférence que rien ne semble troubler.

L’ampleur du drame est désormais connue : plus de 10 000 élèves victimes d’intoxication depuis janvier 2025, selon le Jaringan Pemantau Pendidikan Indonesia (JPPI). Et pourtant, l’émotion publique s’émousse. Les communiqués s’enchaînent, les discours se répètent, et la routine reprend. Une crise sanitaire d’une telle dimension devrait ébranler un pays. Ici, elle s’installe dans le quotidien.

Comment en est-on arrivé là ? Derrière les chiffres, il y a des enfants, des visages, des familles. Il y a aussi un système précipité, sans contrôle suffisant, sans transparence réelle. On a voulu aller vite, montrer des résultats, remplir des promesses. On a oublié l’essentiel : la sécurité, la qualité, la responsabilité.

Les autorités affirment qu’elles “enquêtent”. Qu’elles “tireront les leçons”. Qu’elles “renforceront les procédures”. Mais ces formules administratives sonnent creux face à la réalité : des milliers d’enfants ont été malades à cause d’un programme censé les protéger. Le JPPI réclame la suspension de toutes les cuisines MBG, le temps d’un audit complet. On leur répond par des rapports et des sourires officiels.

Les enseignants, eux, sont parfois contraints de goûter les repas avant leurs élèves, comme s’ils servaient de boucliers humains à une politique défaillante. Cette image, absurde et poignante à la fois, résume tout : un système où ceux qui nourrissent les esprits doivent d’abord risquer leur santé.

Mais au-delà de la faute, c’est l’indifférence qui inquiète. Dix mille cas, et le pays ne s’arrête pas. Dix mille alertes, et la machine continue. La compassion s’épuise vite quand le scandale devient familier. La colère s’étouffe quand le silence devient habitude.

On dit souvent qu’une société se juge à la façon dont elle traite ses enfants. Si c’est vrai, que révèle cette affaire du MBG ? Qu’elle ne manque pas de programmes, mais de conscience. Qu’elle ne souffre pas seulement de manque de moyens, mais de manque d’attention.

Il ne suffit plus d’auditer, de promettre, de réparer. Il faut reconnaître ce que cette tragédie dit de plus profond : l’usure morale d’un pays qui s’habitue à l’inacceptable.

Dix mille enfants malades devraient suffire à tout arrêter. Leur souffrance devrait suspendre le temps, forcer la responsabilité, provoquer la honte. Au lieu de cela, elle disparaît dans le bruit sourd de l’indifférence.

Source :

https://www.tempo.co/politik/jppi-korban-keracunan-mbg-tembus-10-ribu-orang-2076544

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