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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 8 juin 2025

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Citoyen contre les armes : l’appel de la non-violence

Dans un monde gangrené par le commerce des armes, la pensée de Jean-Marie Muller invite chaque citoyen à ne pas se résigner. À travers la non-violence, il propose une éthique de résistance active, lucide et courageuse. Cet article explore les leviers concrets pour agir contre cette industrie et bâtir une culture de paix.

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Citoyen contre les armes : l’appel de la non-violence

Dans un monde de plus en plus marqué par la militarisation, les conflits armés et les alliances cyniques entre intérêts économiques et politiques, que peut faire un simple citoyen face au commerce des armes ?

La question peut sembler dérisoire tant les puissances en jeu semblent inaccessibles. Et pourtant, des penseurs comme Jean-Marie Muller nous rappellent que la non-violence n’est pas faiblesse, mais lucidité, courage et puissance transformatrice.

Le commerce des armes : une violence structurelle légalisée

Chaque année, des milliards d’euros sont générés par la vente d’armes, souvent à des régimes autoritaires ou dans des zones de guerre. La France est l’un des plus grands exportateurs mondiaux d’armement, avec des contrats lucratifs vers l’Arabie Saoudite, l’Égypte ou les Émirats arabes unis, malgré les violations massives des droits humains dans ces pays.

Ces exportations contribuent à alimenter des guerres, des répressions, des déplacements de populations et des catastrophes humanitaires. Pourtant, elles sont souvent justifiées par le pouvoir politique au nom de l’« emploi », de la « souveraineté industrielle » ou de la « sécurité ». Un citoyen conscient ne peut rester indifférent.

Jean-Marie Muller : une pensée de résistance éthique

Philosophe, militant et écrivain, Jean-Marie Muller (1939–2021) fut l’un des plus grands théoriciens de la non-violence en France. À travers ses ouvrages, comme Principes et fondements d'une éthique de la non-violence ou Le courage de la non-violence, il a proposé une véritable philosophie de l’action citoyenne fondée sur le refus radical de la violence sous toutes ses formes.

« La non-violence n’est pas une méthode d’inaction, c’est une stratégie de l’action éthique. » 

Pour Muller, la violence n’est pas seulement l’acte du soldat qui tire ou du dictateur qui ordonne, mais aussi celle du citoyen qui se tait, qui détourne les yeux, qui accepte sans résister. C’est une complicité silencieuse avec l’inacceptable.

Rompre avec la fatalité : la responsabilité du citoyen

Contre le commerce des armes, Jean-Marie Muller appelle à une insurrection morale et politique de la conscience, en dehors des logiques partisanes. Voici quelques pistes d’action inspirées par sa pensée :

1. Refuser de se taire : résister par la parole

La première forme de résistance est de nommer les choses. Nommer la violence comme violence, même quand elle est "légale". Nommer les victimes. Nommer les responsabilités.

   « Le silence est le premier allié de la violence. » 

2. Militer pour la transparence et le contrôle démocratique

Le commerce des armes est souvent entouré de secret. Le citoyen peut exiger que les contrats d’exportation soient soumis au Parlement, que la commission interministérielle pour l’exportation d’armement (CIEEMG) rende des comptes. 

Muller aurait dit : le devoir d’un État démocratique est d’être éthique avant d’être stratégique.

3. S’engager dans l’action non-violente collective

Jean-Marie Muller fut très proche de mouvements comme le MIR-France, les Cercles de silence, ou Non-Violence XXI. Il croyait en la force de l’action directe non-violente, même symbolique : manifestations pacifiques, interpellations publiques, campagnes contre les banques finançant l’armement, actions de désobéissance civile.  Il avait coutume de dire : 

« Il ne suffit pas de penser la non-violence, il faut la risquer. »

4. Vivre une cohérence personnelle

Muller insistait aussi sur la cohérence de vie : refuser les emplois liés à l’industrie de l’armement, choisir une banque éthique, adopter un mode de vie solidaire. Chaque geste compte.

L’éthique comme force politique

Dans une époque dominée par le cynisme, Jean-Marie Muller redonne à la politique son sens éthique : celui de servir l’humain, non de le sacrifier. Il invitait chacun à vivre la non-violence comme un chemin de liberté intérieure et de transformation collective.

Dans cette perspective, le combat contre la vente d’armes devient une lutte pour la dignité humaine, pour la paix, pour une autre idée de la sécurité — non fondée sur les fusils, mais sur la justice.

L’utopie lucide du citoyen debout

Dire « non » à la violence, c’est refuser la résignation. C’est croire que la paix n’est pas un rêve naïf mais une exigence politique, une œuvre à construire, une responsabilité partagée.

Face aux marchands de mort, Jean-Marie Muller nous appelle à devenir des artisans de paix, avec courage et lucidité :

« Il faut beaucoup de courage pour affronter la violence sans lui ressembler. Mais ce courage est la condition de notre humanité. »

Construire une culture de la non-violence

Au-delà des actions ponctuelles, ce que nous enseigne Jean-Marie Muller, c’est l’urgence de bâtir une véritable culture de la non-violence. Cela commence par l’éducation – dans les familles, à l’école, dans les médias. Cela suppose de remettre en question les récits qui glorifient la force, de développer l’empathie, le dialogue, la coopération. Une société pacifique n’émergera pas seulement d’une diplomatie plus sage, mais d’un imaginaire collectif renouvelé.

C’est un chantier de longue haleine, mais indispensable : éduquer à la paix, c’est semer la justice dans les consciences. Et comme le disait Muller :

« Toute paix véritable est le fruit d’un combat intérieur contre notre propre violence ».

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