LE PÈRE DUCHESNE S’ÉTONNE : OÙ SONT PASSÉS LES ENRAGÉS ?
Sacré nom d’un tonnerre, mes enfants ! Voilà que je me gratte la caboche, et que je me demande : mais où diable sont passés les enragés de ce foutu pays ? Hein ? Est-ce que la France est devenue une maison de retraite pour bons bourgeois endormis, la bouche pleine de slogans creux, le ventre gavé de marchandises chinoises et d’écrans lumineux ?
OÙ SONT LES JEUNES DÉPUTÉS ? Pas un seul qui ait le front haut et l’œil ardent de Saint-Just, pas un seul qui soit prêt à monter à la tribune pour cracher la vérité comme du plomb fondu sur les têtes des tyrans modernes ! Non, mes gaillards, aujourd’hui ça bêle, ça négocie, ça parlemente comme des commis-voyageurs. Les tribunes sont devenues des salons de thé. On y sucre le peuple à coups de belles phrases sans os. Saint-Just, lui, savait que la liberté ne se négocie pas : elle se conquiert, et, sacré tonnerre, parfois elle s’arrache !
ET LES CURÉS, NOM DE DIEU ? Autrefois, il y en avait au moins un qui avait du sang dans les veines et du feu dans l’Évangile : le père Jacques Roux, le curé rouge, qui prêchait la sainte colère contre les accapareurs et les suceurs de sang du peuple. Mais aujourd’hui ? On nous sert des sermons tièdes sur le "vivre ensemble", pendant que les maîtres engraissent et que les pauvres crèvent. Plus de croix brandie comme arme de justice, plus de prière transformée en cri de guerre contre les puissants. Des bénédictions pour les banques, des processions pour la façade, et pas un mot de la misère qui ronge nos tripes !
Et le peuple, alors ? Mes enfants, est-ce que vos oreilles se sont bouchées ? Est-ce que vous n’entendez plus le tocsin ? C’est le glas qu’on sonne, le glas d’une révolution qui dort ! Les enragés manquent, mais la rage, elle, bouillonne encore, comme la marmite du Père Duchesne !
Il est temps de rallumer le feu, mes gaillards ! Pas pour faire joli dans la cheminée bourgeoise, non : pour que ça brûle, pour que ça flambe, pour que ça purifie cette France avachie ! Le tocsin sonne, sacré tonnerre : qui aura le courage de s’en saisir ? Qui osera hurler, comme Saint-Just, que le bonheur est une idée neuve ? Qui criera, comme Jacques Roux, que les riches doivent rendre gorge ?
Mes enfants, que le Père Duchesne vous le dise : sans enragés, il n’y a pas de révolution. Et sans révolution, il n’y aura bientôt plus de peuple, seulement des esclaves contents de leur chaîne. Alors, tonnerre de Dieu, debout ! Le tocsin résonne !