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Billet de blog 8 octobre 2025

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Religion, pouvoir et corruption : la trinité profane d’un État du tiers-monde

Dans de nombreux pays du Sud, et plus particulièrement en Indonésie, la modernité politique n’a pas supprimé les vieilles dépendances : elle les a maquillées. Sous le vernis du nationalisme et de la démocratie, se perpétue un système d’allégeances où le religieux, le politique et le corrupteur vivent en parfaite harmonie.

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Religion, pouvoir et corruption : la trinité profane d’un État du tiers-monde

Dans de nombreux pays du Sud, et plus particulièrement en Indonésie, la modernité politique n’a pas supprimé les vieilles dépendances : elle les a maquillées. Sous le vernis du nationalisme et de la démocratie, se perpétue un système d’allégeances où le religieux, le politique et le corrupteur vivent en parfaite harmonie.

Comme l’a déclaré Dhandy Laksono, militant des droits de l'homme indonésien :

« Dans un État nationaliste, corrompu et religieux, les institutions religieuses vivent en symbiose mutualiste avec les dirigeants et les politiciens. Tous utilisent la doctrine et l’obéissance pour obtenir du soutien, sans questions, encore moins d’objections. »

Cette observation ne décrit pas seulement l’Indonésie : elle résume la condition politique du tiers-monde, où la foi, la pauvreté et le pouvoir forment une trinité inébranlable.

Le sacré au service du profane

Dans les États postcoloniaux, la religion a souvent remplacé l’idéologie manquante. Elle donne au pouvoir une légitimité morale que ni la justice ni l’efficacité ne peuvent garantir. Le dirigeant, pourvu qu’il prie en public, se transforme en saint patriote. Le prêtre ou l’ouléma, en retour, se mue en agent de propagande sacrée.

La foi n’élève plus l’âme : elle couronne le chef. Le sermon devient décret, la prière devient slogan, et le dogme sert de ciment à une structure sociale fragile.

Le sacré cesse d’être une source de sens ; il devient un outil de stabilité politique.

La corruption sanctifiée

Dans cette comédie morale, la corruption n’est pas un scandale : c’est une méthode de gouvernement. Les enveloppes d’argent circulent avec la même bénédiction que les offrandes au temple. On parle de charité, de piété, de développement — mais c’est toujours le même réseau d’intérêts qui se nourrit, sous le regard bienveillant de la religion officielle.

La corruption devient presque liturgique : elle est accompagnée de sourires, de bénédictions et de citations pieuses. Ce comportement n’est pas théorique : en Indonésie, il est courant que lorsqu’un corrompu est démasqué, il exhibe soudain une religiosité ostentatoire, espérant ainsi obtenir une clémence judiciaire, voire une totale impunité.

Le vice se sanctifie à condition qu’il s’incline devant le pouvoir.

Le nationalisme comme masque

Pour dissimuler cette collusion, le pouvoir invoque la nation. On parle de défendre la patrie, de protéger la foi, de repousser les influences étrangères.

Mais dans les États du tiers-monde, le nationalisme n’est souvent qu’un théâtre : un décor agité pour détourner le regard des inégalités et des complicités internes.

Sous le drapeau, la corruption prospère ; derrière la foi, la peur gouverne.

Celui qui ose questionner l’ordre établi est aussitôt accusé d’être « impie », « occidental » ou « traître à la nation ». Le patriotisme devient une arme morale : on ne l’utilise pas pour aimer son pays, mais pour interdire de le critiquer.

Une éducation du silence

Le vrai drame n’est pas seulement politique : il est culturel.

Dans ces sociétés, on n’apprend pas à penser, mais à croire. On ne débat pas, on récite. On ne s’indigne pas, on prie. L’école reproduit le culte de l’autorité, et l’autorité protège son propre mythe.

Ainsi se perpétue la dépendance — non plus à la colonisation étrangère, mais à une colonisation intérieure : celle du dogme et de la peur.

Un peuple éduqué à obéir devient un peuple facile à gouverner. Et dans le tiers-monde, cette docilité est présentée comme une vertu.

L’émancipation spirituelle comme acte politique

Refuser cette alliance du religieux et du politique n’est pas un rejet de la foi, mais une défense de la liberté.

Car la vraie spiritualité n’a rien à craindre de la critique : elle s’épanouit dans la vérité, pas dans la soumission.

Tant que la religion servira de caution au pouvoir, tant que la corruption se bénira dans les mosquées ou les églises, les sociétés du tiers-monde resteront prisonnières de leur propre piété.

Il faut oser séparer la foi du pouvoir, la morale du calcul politique, le sacré de la servitude. C’est le premier pas vers une modernité réelle — non pas technologique, mais intellectuelle.

Conclusion

Ce que Dhandy Laksono dévoile, c’est la tragédie morale d’un monde postcolonial où le pouvoir a compris que le meilleur moyen de dominer n’est pas seulement la force, mais aussi la foi.

Le tiers-monde ne souffre pas seulement de pauvreté matérielle, mais d’une pauvreté critique : la peur de douter, la peur de penser.

Et tant que le silence sera sacré, la corruption restera divine.

Source :

https://x.com/Dandhy_Laksono/status/1975866083564544035?t=SknCDHk838-EqYd-t5rI7A&s=08

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