Le colonialisme est toujours là : pour une décolonisation inclusive
Depuis longtemps, on nous raconte que le colonialisme appartient au passé. Les livres d’histoire parlent d’empires disparus, de luttes pour l’indépendance, de drapeaux brandis sur des places enfin libérées. Mais que se passe-t-il si l’on regarde le monde tel qu’il est, aujourd’hui ? Que voit-on ?
Des peuples toujours privés de leurs terres. Des économies du Sud dépendantes de celles du Nord. Des savoirs locaux méprisés. Des femmes autochtones ou racisées rendues invisibles. Des langues étouffées. Des mémoires blessées. Le colonialisme, en vérité, ne s’est pas arrêté. Il a changé de visage.
C’est pour cela que parler de décolonisation en 2025 n’est pas une nostalgie, mais une nécessité. Il ne suffit pas de dire que les colonies n’existent plus. Il faut comprendre comment le système colonial s’est transformé, comment il survit dans les structures politiques, économiques, culturelles et mentales. Et surtout : comment le dépasser, ensemble, de manière inclusive.
La fausse fin du colonialisme
On a souvent réduit la décolonisation à un changement de drapeau. Pourtant, beaucoup d’États devenus “indépendants” ont été rapidement enfermés dans des logiques de dépendance. Le pouvoir politique a changé de main, mais pas les règles du jeu.
Prenons un exemple : un pays africain peut être souverain en théorie, mais obligé d’exporter ses ressources naturelles à bas prix vers l’Europe, tout en important des produits manufacturés hors de prix. Ses dirigeants peuvent être élus, mais soumis à la pression d’institutions financières internationales qui imposent des politiques néolibérales.
C’est cela, le néocolonialisme : un colonialisme sans colonies officielles, mais avec des dépendances organisées, des hiérarchies économiques et une domination culturelle persistante.
Le colonialisme dans nos têtes, nos écoles, nos musées
Le colonialisme ne se voit pas toujours à l’œil nu. Il est aussi dans les façons de penser, de parler, d’éduquer. Pendant longtemps, on a enseigné l’histoire du monde comme une histoire centrée sur l’Europe. Les savoirs produits ailleurs – en Asie, en Afrique, en Amérique latine, dans les sociétés autochtones – ont été ignorés, minorés, voire ridiculisés.
Dans les musées, on expose encore des objets volés. Dans les livres scolaires, on parle peu ou pas des résistances anticoloniales. Dans les universités, les auteurs étudiés sont surtout européens ou nord-américains. C’est une forme de domination symbolique.
Décoloniser, cela veut dire reconnaître d’autres formes de savoir, d’autres récits du monde, d’autres manières de vivre. Cela signifie aussi écouter les voix longtemps réduites au silence.
Une décolonisation vraiment inclusive
Décoloniser, ce n’est pas seulement rendre justice aux peuples anciennement colonisés. C’est aussi penser à toutes les personnes encore exclues, dominées, oubliées. Cela inclut :
- Les peuples autochtones, qui luttent pour leurs terres et leur autonomie.
- Les femmes racisées, souvent à l’intersection de plusieurs formes de violence : racisme, sexisme, précarité.
- Les personnes marginalisées en raison de leur identité de genre ou orientation perçue, souvent confrontées à des formes spécifiques d’exclusion et de violence, notamment dans des contextes marqués par l’héritage colonial.
- Les diasporas, qui vivent dans les pays du Nord, mais portent en elles une mémoire blessée.
Une décolonisation inclusive refuse de hiérarchiser les luttes. Elle cherche à tisser des solidarités entre les combats féministes, écologistes, antiracistes, queer, autochtones, ouvriers.
Décoloniser aussi l’économie et la terre
Le colonialisme a toujours été lié à l’exploitation des ressources : or, pétrole, caoutchouc, cacao, bois, coltan… Aujourd’hui encore, des multinationales exploitent les richesses du Sud, parfois avec la complicité d’États locaux corrompus. Les peuples qui vivent sur ces terres sont expulsés, déplacés, criminalisés.
Décoloniser, c’est donc repensez notre rapport à l’économie. Cela veut dire : sortir de l’extractivisme, soutenir les économies locales, reconnaître la souveraineté alimentaire, protéger les communs.
C’est aussi reconnaître le lien spirituel et culturel que beaucoup de peuples entretiennent avec leur terre. Une terre n’est pas qu’un espace à exploiter : c’est un lieu de mémoire, d’identité, de vie.
Une nouvelle imagination du monde
Décoloniser, ce n’est pas seulement “réparer”. C’est aussi imaginer autre chose : un monde où plusieurs vérités peuvent coexister. Où l’on apprend à écouter au lieu d’imposer. Où l’on crée des espaces partagés, décentrés, ouverts.
Une décolonisation inclusive, c’est une invitation à :
- Réécrire l’histoire ensemble.
- Penser un avenir en commun, sans domination.
- Prendre soin des blessures, sans les oublier.
- Respecter les différences, sans les hiérarchiser.
Décoloniser, c’est aimer autrement
Décoloniser, ce n’est pas haïr l’Europe, ni diviser les peuples. C’est aimer autrement. Aimer les peuples sans vouloir les contrôler. Aimer les cultures sans vouloir les uniformiser. Aimer la planète sans vouloir l’épuiser.
Le colonialisme ne tombera pas en un jour. Mais chaque geste compte : écouter une autre voix, relire l’histoire différemment, soutenir une lutte juste, questionner ses privilèges, changer seshabitudes.
C’est dans ces petites révolutions du quotidien que naît un monde plus juste, plus vivant, plus libre.