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Billet de blog 10 août 2025

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Indonésia Raya : hymne national, racines catholiques méconnues

Indonesia Raya, hymne national indonésien, est une œuvre composée par WR Supratman, un catholique souvent oublié dans les récits officiels. Jouée pour la première fois en 1928 dans une salle gérée par des jésuites à Jakarta, cette chanson illustre l’influence méconnue des institutions catholiques dans l’éveil du nationalisme indonésien.

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Indonésia Raya : hymne national, racines catholiques méconnues

Indonesia Raya, hymne national de l’Indonésie, est souvent présenté comme le symbole incontestable de l’unité nationale et de la lutte pour l’indépendance. Pourtant, son histoire recèle des nuances méconnues, notamment en ce qui concerne son auteur, WR Supratman, et le contexte dans lequel l’hymne fut pour la première fois joué.

WR Supratman : un nationaliste au parcours pluriel

Wage Rudolf Supratman (1903-1938), compositeur de Indonesia Raya – la Grande Indonésie, était issu d’une famille catholique. Journaliste et militant, il naviguait dans des cercles intellectuels marqués par diverses influences, parmi lesquelles certaines institutions catholiques avaient un rôle structurant. Cette appartenance religieuse est rarement mise en avant dans les récits officiels, qui tendent à uniformiser la genèse de l’hymne dans un discours nationaliste homogène.

De l’éducation à la diplomatie : l’influence méconnue de l’Église catholique

Le père jésuite François van Lith est connu pour avoir encouragé l’éducation des populations indigènes tout en favorisant des formes d’expression culturelle locale. Cette démarche, inhabituelle pour l’époque, a contribué à l’éveil d’une identité locale critique face à la domination coloniale hollandaise. Par son action, il a indirectement soutenu la formation d’une élite nationale, parmi laquelle figura WR Supratman.

Une autre figure méconnue de l’Église joua un rôle décisif dans la reconnaissance internationale de cette jeune nation : le francobelge Mgr Pierre Marie De Jonhe d’Ardoie. En 1947, grâce à son intervention diplomatique, le Vatican devint le premier pays occidental à reconnaître la République indonésienne, un geste crucial pour légitimer le nouvel État face aux puissances coloniales.

Une première exécution dans un lieu lié à la Compagnie de Jésus

Le 28 octobre 1928, lors du congrès des Jeunes Indonésiens (Kongres Pemuda II), Indonesia Raya fut jouée publiquement pour la première fois, dans le cadre du Sumpah Pemuda — Serment de la Jeunesse — engagement fondateur pour une nation indonésienne unifiée.

Le lieu de cette première interprétation était une salle de la Maison des Jeunes Catholiques, située dans une résidence administrée par les jésuites, à proximité de la cathédrale de Jakarta. Ce fait souligne l’existence d’une influence et d’un réseau catholique dans le processus nationaliste, un aspect rarement évoqué dans les discours patriotiques officiels.

Entre engagement nationaliste et héritage institutionnel

Les jésuites, actifs dans l’éducation et la formation d’une élite locale, ont contribué indirectement à la mobilisation politique d’une jeunesse désireuse de construire une nation indépendante. Cette salle, témoin de ce moment historique, incarne l’étroite connexion entre la sphère religieuse et la politique nationale.

Une hymne fédérateur au-delà des clivages

Bien que né dans un contexte catholique, Indonesia Raya a rapidement transcendé son cadre confessionnel pour devenir un chant fédérateur, adopté par des jeunes de toutes confessions, incarnant la volonté d’unité dans un archipel marqué par une grande diversité ethnique et religieuse.

La mémoire officielle : un récit sélectif

L’omission ou la minimisation du rôle de WR Supratman et des institutions catholiques dans les récits patriotiques officiels relève d’une forme de réécriture historique destinée à consolider une identité nationale homogène, occultant les complexités et pluralités qui ont réellement façonné le mouvement indépendantiste.

L’histoire de Indonesia Raya révèle les jeux d’influences et d’identités multiples qui sous-tendent la construction de la nation indonésienne. En dépassant les récits simplifiés, il est possible d’appréhender plus justement l’interconnexion entre différentes sphères — religieuse, politique, culturelle — qui ont contribué à forger ce symbole national.

Source :

https://penakatolik.com/2024/03/01/katedral-jakarta-dan-kisah-kelahiran-sumpah-pemuda/

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