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Billet de blog 11 septembre 2025

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Indonésie : Purbaya et le pari des 8 %

L’économiste indonésien Purbaya Yudhi Sadewa s’impose comme l’artisan d’un pari audacieux : hisser la croissance du pays, de 5 % à 8 %. Dans un archipel confronté aux inégalités, à la dépendance aux ressources et aux défis sociaux, sa « recette miracle » séduit autant qu’elle interroge sur la soutenabilité d’un tel modèle.

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Indonésie : Purbaya et le pari des 8 %

On parle déjà de sa stratégie comme d’une « recette miracle ». À peine installé dans son fauteuil de ministre des Finances, Purbaya Yudhi Sadewa a présenté son plan économique, expliquant qu’il entend combiner certaines mesures de ses prédécesseurs pour stimuler la croissance et attirer les investissements.

C’est comme si l’on parlait d’économie avec le langage de la cuisine : mélanger les ingrédients, ajuster la température, surveiller la cuisson. Mais dans sa marmite, ce ne sont pas des épices qui mijotent, mais des milliards de rupiah, des flux financiers et des promesses de croissance.

L’objectif est clair, presque audacieux : amener l’Indonésie vers une croissance à 8 %. Dans un monde où beaucoup de pays peinent à maintenir leur équilibre budgétaire, cette ambition résonne comme une provocation, ou comme un rêve nécessaire.

Entre SBY et Jokowi, une cuisine hybride

Purbaya le dit sans détour : il veut combiner deux recettes politiques qui, chacune à leur époque, ont laissé une empreinte. De Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), il retient la foi dans le secteur privé, l’importance d’un marché dynamique et de la confiance des investisseurs. De Joko Widodo (Jokowi), il hérite la conviction que l’État doit investir lourdement, construire, injecter des fonds dans les infrastructures et jouer le rôle de moteur.

Deux approches parfois contradictoires ? Oui. Mais pour Purbaya, l’art de gouverner consiste précisément à faire tenir ensemble les contraires, comme un chef qui marie le sucré et le salé dans un plat audacieux.

Liquide, toujours liquide

Le cœur de sa stratégie est la liquidité. Dans son esprit, l’économie indonésienne ressemble à une machine grippée, coincée par trop de contraintes monétaires. Il veut donc « débloquer » le système, relâcher la pression, permettre aux banques de prêter davantage. Des centaines de milliers de milliards de rupiah devraient circuler ainsi, arrosant les projets, réveillant l’appétit des entrepreneurs.

Ce n’est pas seulement une politique financière ; c’est un pari psychologique. Car l’argent ne produit d’effets que si la confiance l’accompagne.

L’État, ce grand cuisinier

À côté du secteur privé, Purbaya ne néglige pas le rôle de l’État. Les dépenses publiques, dit-il, ne doivent pas être vues comme de simples sorties de caisse, mais comme des investissements stratégiques. Construire des routes, des ports, des écoles, c’est préparer le terrain pour que la croissance soit durable. L’APBN – le budget national – devient alors un levier, une poêle bien chauffée où l’on saisit les ingrédients pour leur donner du goût.

Le risque du surdosage

Mais une recette miracle peut vite tourner à la catastrophe si l’assaisonnement est mal dosé. Plusieurs économistes rappellent à Purbaya la nécessité de prudence : trop de liquidité pourrait nourrir l’inflation, trop de dettes pourraient fragiliser les générations futures. L’enthousiasme du ministre, jugé parfois trop communicatif, pourrait être interprété comme une surpromesse.

En économie, comme en cuisine, l’excès de confiance peut ruiner le plat.

Entre espoir et vigilance

Pourtant, difficile de ne pas se laisser séduire par le récit que propose Purbaya. À un pays fatigué par la lenteur, il promet la vitesse. À un peuple inquiet du coût de la vie, il promet l’abondance. Aux investisseurs, il promet un terrain fertile.

La question demeure : cette recette miracle donnera-t-elle vraiment un plat savoureux, ou se réduira-t-elle à un fumet passager ?

Dans les prochains mois, ce n’est pas seulement la solidité des chiffres qui sera scrutée, mais aussi la capacité de Purbaya à transformer une belle narration en résultats tangibles. Comme dans toute grande cuisine, le secret ne réside pas seulement dans la liste des ingrédients, mais dans la main du chef.

Source :

https://ch.zonebourse.com/actualite-bourse/le-franc-parler-de-l-economiste-purbaya-a-la-tete-du-ministere-des-finances-indonesien-ce7d59dfdd8af123

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