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Billet de blog 12 juin 2025

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« Raja Appât » : la destruction d’un paradis au nom de la transition verte

À Raja Ampat, paradis écologique et berceau autochtone, la ruée vers le nickel « vert » menace un joyau mondial. Sous couvert de transition énergétique, une colonisation repeinte en vert ravage récifs, forêts et cultures. Ce pillage n’est pas un progrès : c’est une trahison écologique et humaine !

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« Raja Appât » : la destruction d’un paradis au nom de la transition verte

« Ce qu’ils appellent développement n’est que la répétition de la conquête. »

— Eduardo Galeano,  poète révolté uruguayen.

Un paradis en péril

Raja Ampat. Un nom qui évoque des eaux translucides, des récifs coralliens flamboyants, une biodiversité marine unique au monde. C’est un sanctuaire écologique, un joyau planétaire reconnu par l’UNESCO, mais aussi un territoire ancestral habité par des communautés autochtones qui y vivent en symbiose depuis des générations.

Ce paradis est aujourd’hui sous la menace directe de l’industrie minière. Ce n’est plus Raja Ampat, mais Raja Appât : un appât pour les multinationales du nickel, avides de profits au nom d’une soi-disant transition verte. La logique est simple et brutale : détruire ici pour verdir ailleurs. Gratter les entrailles de la Papouasie pour électrifier les SUV en Europe ou en Chine.

Le mensonge du nickel vert

Le scandale commence avec l’octroi de permis d’exploitation minière (IUP) à des entreprises comme PT Mulia Raymond Perkasa. Ces permis couvrent des zones hautement sensibles, comme les îles Batan Pelei et Manyaifun, situées dans la zone du Géoparc mondial Raja Ampat. Ils ont été accordés sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones, en contradiction flagrante avec le droit international.

Les conséquences sont catastrophiques : destruction des forêts insulaires, pollution marine due aux boues et aux résidus d’extraction, menace sur les récifs coralliens, perturbation des équilibres écologiques millénaires, et perte des moyens de subsistance des pêcheurs traditionnels. À cela s’ajoute le traumatisme social et culturel des communautés qui voient leur monde s’effondrer au rythme des machines.

Ce qu’on appelle ici « transition énergétique » se traduit, pour les peuples de Raja Ampat, par une transition vers le néant.

Une colonisation repeinte en vert

L’exploitation minière en Papouasie n’est pas une anomalie du système : elle en est le cœur battant. C’est la continuité logique d’un colonialisme ancien, aujourd’hui maquillé sous les habits du développement durable. On nous dit que les minerais extraits serviront à sauver la planète. Mais à quoi sert de sauver le climat si c’est pour piétiner les peuples, les forêts, les récifs, les droits ?

Le nickel de Raja Ampat n’est pas vert. Il est rouge du sang des coraux, noir de la suie industrielle, gris de la trahison politique. Il est teinté du silence complice des autorités, de l’avidité des investisseurs, et de l’ignorance des consommateurs.

Une résistance digne et déterminée

Face à cette prédation, les peuples autochtones ne se taisent pas. Ils élèvent la voix, dressent des banderoles, occupent les sites, alertent les médias, déposent des recours. 

Ils refusent d’être traités comme des obstacles au progrès. Ils exigent d’être reconnus comme gardiens légitimes d’un territoire sacré, d’un écosystème vital pour l’Indonésie et pour le monde entier. Ils rappellent que le développement ne peut se faire sans justice, ni au prix de l’effacement culturel et de la destruction écologique.

Une autre écologie est possible

Le scandale de Raja Ampat nous force à ouvrir les yeux. La transition énergétique ne peut être juste si elle repose sur les mêmes logiques extractivistes que celles des siècles passés. Il faut rompre avec le mythe du progrès qui colonise, exploite, déplace, et pollue au nom d’un avenir radieux toujours repoussé.

Il faut réinventer une écologie enracinée dans les territoires, respectueuse des savoirs locaux, fondée sur la décroissance matérielle et la sobriété énergétique. Il faut écouter ceux qui vivent encore en lien avec la terre et la mer, non les réduire au silence.

Une alerte mondiale

Ce qui se passe à Raja Ampat n’est pas un cas isolé. C’est le miroir du monde que nous construisons. Un monde où les pauvres paient pour que les riches puissent consommer proprement. Un monde où les peuples autochtones doivent défendre leurs terres contre les bulldozers de la modernité. Un monde où même les paradis peuvent être saccagés… pour que d’autres aient bonne conscience.

Raja Ampat n’est pas une zone industrielle. C’est un lieu sacré, un bien commun, un souffle de vie pour la planète. Et ceux qui tentent de le défendre aujourd’hui le font aussi pour nous.

Si la transition énergétique doit passer par la destruction de Raja Ampat, alors ce n’est pas une transition. C’est une trahison !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.