Tan Sing Hwat : Le cinéaste rebelle, militant et conducteur de bemo
Au cœur de l’Indonésie des années 1950, alors que le pays se reconstruisait après l’indépendance proclamée en 1945, émergea une figure singulière : Tan Sing Hwat. Né en 1921, dans une communauté sino-indonésienne, il allait devenir à la fois réalisateur audacieux, militant culturel et homme controversé, traversant les tumultes politiques de son époque avec une énergie inébranlable.
Un cinéma qui fait rêver
Tan Sing Hwat n’était pas un cinéaste comme les autres. Alors que le cinéma indonésien était dominé par des récits nationalistes et des adaptations classiques, il choisit de raconter des histoires populaires et fantastiques. Son film Aladin (1953) offrait aux spectateurs des images féériques inspirées des Mille et Une Nuits, tandis que Sri Asih (1954) introduisait le premier super-héros indonésien, une héroïne courageuse qui captiva le public.
Ces films, aujourd’hui considérés comme des classiques oubliés, représentaient une véritable révolution : ils brisaient les codes, mêlant fantaisie, aventure et modernité dans un pays encore jeune sur le plan cinématographique.
Le militant derrière la caméra
Mais Tan Sing Hwat n’était pas seulement un créateur : il était aussi un militant engagé. Il participa activement à un syndicat de travailleurs du cinéma et du théâtre qui luttait contre la domination des films étrangers, notamment hollywoodiens. Son objectif : défendre le cinéma local et donner une voix aux artistes indonésiens.
Cette posture courageuse, liée à des convictions de gauche, lui valut de s’attirer des ennemis dans un pays où les tensions politiques se faisaient déjà sentir. Il fut progressivement marginalisé, et son nom disparu presque complètement des archives officielles.
Une vie bouleversée par la politique
Les bouleversements politiques de la fin des années 1960 eurent des conséquences dramatiques pour lui. Après le renversement du président Sukarno en 1966, Tan Sing Hwat dut changer d’identité et disparaître des écrans. Sous le nom d’Agoes Soemanto, il devint conducteur de bemo, ces petits véhicules collectifs qui sillonnent les rues étroites des villes indonésiennes.
Malgré cette reconversion forcée, il continua à écrire des pièces de théâtre et des scénarios, preuve de sa résilience et de son attachement à la culture de son pays.
La reconnaissance tardive
Tan Sing Hwat ne connut pas la gloire de son vivant. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard, après sa mort en 1989, que son travail fut redécouvert et célébré. En 2019, son film Aladin fut projeté au Festival international du film de Busan (BIFF), marquant ainsi sa redécouverte et rendant, à titre posthume, hommage à l’originalité et à la valeur artistique de son œuvre.
Un parcours hors du commun
L’histoire de Tan Sing Hwat est celle d’un homme qui a défié les conventions, mêlant art, engagement politique et survie personnelle. Elle nous plonge dans l’Indonésie des années 1950-1970, un pays en pleine transformation, et nous rappelle que la mémoire culturelle se construit parfois dans l’ombre, loin des projecteurs.
Tan Sing Hwat restera comme un symbole : celui de la créativité, de la résistance et de la passion pour le cinéma, même face aux tempêtes de l’Histoire.
Source :
https://www.historia.id/article/riwayat-tan-sing-hwat-vo1mn