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Billet de blog 13 juillet 2025

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17 octobre et 14 juillet : symboles croisés du pouvoir

Le 17 octobre en Indonésie et le 14 juillet en France sont deux dates emblématiques, riches de symboles historiques et politiques. Si la France célèbre la Révolution et la République, l’Indonésie commémore une journée marquée par des tensions entre pouvoir militaire et autorités civiles. Ces fêtes nationales révèlent les enjeux et contradictions du pouvoir dans chaque pays.

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17 octobre et 14 juillet : symboles croisés du pouvoir

Le gouvernement indonésien, sous l’impulsion du ministre de la Culture Fadli Zon, a récemment institué le 17 octobre comme Journée nationale de la culture. Cette date, paradoxalement, coïncide avec l’anniversaire du président Prabowo Subianto, figure militaire et politique majeure du pays. Ce double choix a suscité un véritable débat sur les réseaux sociaux, mêlant critique politique, questionnements historiques et réflexions sur la liberté d’expression dans un pays où la culture devient un champ de bataille symbolique.

Une date chargée de symboles

Le 17 octobre ne semble pas avoir été choisi au hasard. Cette date fait aussi référence à un événement marquant de l’histoire indonésienne : le "Peristiwa 17 Oktober" de 1952. Ce jour-là, le chef d’état-major de l’armée, A.H. Nasution, accompagné de sept commandants régionaux, a exigé la dissolution du Conseil représentatif provisoire (Dewan Perwakilan Rakyat Sementara – DPRS). L’un d’eux, Kemal Idris, est même allé jusqu’à braquer ses canons vers le palais présidentiel, prétendant ainsi protéger le président Soekarno d’une manifestation étudiante.

Que signifie alors que le régime Prabowo célèbre la culture nationale précisément à cette date ? L’association entre la culture et un anniversaire personnel du président, doublée d’un rappel indirect d’une tentative militaire de prise du pouvoir, suscite de nombreuses interprétations.

Polémique sur les réseaux sociaux : un espace critique toléré mais fragile

Sur X, Instagram et autres plateformes, les réactions sont vives. Pour certains, l’instauration de la Journée nationale de la culture le 17 octobre est perçue comme une glorification de la figure militaire au détriment d’une véritable célébration culturelle plurielle et démocratique. Le choix semble instrumentaliser la culture pour renforcer une image de pouvoir personnel, voire une forme de nationalisme autoritaire.

D’autres utilisateurs soulignent que cette controverse révèle que l’espace de débat et de pensée critique en Indonésie demeure ouvert — du moins dans une certaine mesure — notamment à travers les réseaux sociaux. Cette « chambre d’écho » digitale devient l’un des derniers refuges pour contester les décisions politiques et discuter des symboles nationaux. Pourtant, cette liberté d’expression reste menacée par la montée de la censure, des lois restrictives sur les discours publics, et une surveillance accrue des opposants politiques.

Analyse : quels effets pour la société indonésienne ?

Le choix du 17 octobre comme Journée nationale de la culture témoigne d’une volonté claire du régime Prabowo d’imposer une lecture officielle et personnalisée de l’histoire et de la culture. Il s’agit sans doute d’un geste politique destiné à consolider la légitimité du pouvoir en inscrivant sa figure dans une continuité historique valorisée. Ce repositionnement idéologique s’inscrit dans un contexte où la culture est instrumentalisée pour affirmer l’unité nationale, mais aussi pour marginaliser les voix dissidentes ou les mémoires alternatives.

Les conséquences pourraient être multiples. D’une part, cela risque d’exacerber les tensions identitaires et politiques, notamment dans un pays marqué par la diversité ethnique, culturelle et religieuse. D’autre part, la symbolique militaire et nationaliste portée par cette date peut encourager une vision étroite et parfois militarisée de la culture, au détriment de la pluralité, de la critique et de l’innovation artistique.

Résonances avec la France : le 14 juillet et le président Prabowo invité d’honneur

Parallèlement, il convient de souligner que la France célèbrera prochainement sa fête nationale, le 14 juillet, symbole de la Révolution française, de la liberté et de la République. Lors de cette cérémonie hautement symbolique, le président Prabowo sera l’invité d’honneur du régime Macron, une décision qui a surpris plusieurs observateurs.

Cette invitation peut être vue comme un geste diplomatique destiné à renforcer les liens bilatéraux, mais elle soulève aussi la question de la reconnaissance internationale d’un dirigeant au profil controversé.

Le contraste entre les deux dates — le 14 juillet en France, célébrant les idéaux de liberté, égalité, fraternité, et le 17 octobre en Indonésie, célébrant une figure militaire entourée de controverse — illustre bien les différentes trajectoires historiques et politiques des deux nations.

Conclusion

La proclamation du 17 octobre comme Journée nationale de la culture en Indonésie, décidée par le régime Prabowo et son ministre Fadli Zon, est bien plus qu’un simple acte administratif.

C’est un geste chargé de symboles, une tentative de narration historique officielle qui soulève des débats intenses et pose la question de la place de la culture dans la politique, la mémoire et la société.

Cette initiative invite à une réflexion profonde sur les rapports entre pouvoir, histoire et liberté d’expression, autant en Indonésie qu’à l’échelle internationale, où le contraste avec des modèles comme celui de la France est saisissant.

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