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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 13 septembre 2025

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Prabowo Subianto au Moyen-Orient : symboles et incertitudes

En lançant sa tournée au Moyen-Orient en avril 2025, Prabowo Subianto a multiplié les gestes forts : solidarité avec Gaza, promesses de coopération et recherche d’investissements. Mais entre diplomatie symbolique et réalités géopolitiques, la stratégie du président indonésien révèle autant d’ambitions que d’incertitudes quant à sa crédibilité internationale.

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Prabowo Subianto au Moyen-Orient : symboles et incertitudes

Au pas de course, serrant les mains des émirs et des présidents, Prabowo Subianto a voulu donner à sa tournée au Moyen-Orient, en avril 2025, l’allure d’une offensive diplomatique majeure.

De Dubaï à Doha, en passant par Ankara et Le Caire, le président indonésien a multiplié rencontres, sourires officiels et déclarations solennelles. Son message, répété comme un refrain : l’Indonésie appelle à l’unité des pays arabes pour mettre fin à l’hémorragie humanitaire à Gaza et rétablir une paix durable.

Un message d’unité face aux fractures régionales

À Abou Dhabi, face à Mohammed ben Zayed, le chef de l’État indonésien a insisté sur « la nécessité d’un front commun », convaincu que la fragmentation du monde arabe fragilise la cause palestinienne. À Doha, il a trouvé une oreille attentive : l’émir Tamim ben Hamad Al Thani a non seulement salué la proposition de Jakarta d’accueillir temporairement un millier de blessés et d’orphelins de Gaza, mais aussi paraphé la création d’un fonds d’investissement conjoint de quatre milliards de dollars. Un chiffre impressionnant, qui nourrit les gros titres et flatte la fierté nationale en Indonésie.

Un geste humanitaire aux lourdes contraintes

La proposition d’évacuer des Palestiniens vers l’Indonésie a une valeur symbolique forte. Elle donne corps à l’image d’une Indonésie solidaire, prête à aller au-delà des discours. Mais la mise en œuvre est semée d’embûches : autorisations israéliennes, coordination avec l’ONU, logistique aérienne, capacités d’accueil médical et psychologique. Autant de variables qui échappent en grande partie au contrôle de Jakarta.

Entre solidarité et pragmatisme économique

Quant aux accords économiques, ils témoignent d’un pragmatisme assumé : si l’Indonésie se veut « la voix des sans-voix » sur la scène internationale, elle cherche aussi à sécuriser des investissements massifs dans l’énergie, les infrastructures et la sécurité alimentaire. Le Moyen-Orient, riche en capitaux, est une cible naturelle. Mais là encore, il reste à voir si les promesses se traduiront en projets concrets, dans un pays encore confronté à ses propres défis de gouvernance et de transparence.

Dans ce jeu d’équilibres, un paradoxe plane : Jakarta n’entretient pas de relations diplomatiques officielles avec Israël, par solidarité affichée avec la Palestine, mais des échanges discrets, notamment commerciaux et sécuritaires, ont été signalés par divers observateurs au fil des années. Cette réalité semi-secrète ajoute une dimension ambiguë aux efforts de l’Indonésie : d’un côté, elle cherche à incarner la solidarité musulmane en appelant à l’unité du Moyen-Orient ; de l’autre, elle entretient, dans l’ombre, des canaux avec l’État hébreu, révélateurs d’un pragmatisme qui dépasse la rhétorique officielle.

Une stature internationale en construction

Cependant, il serait réducteur de qualifier la tournée de Prabowo de visite sans impact. Elle a permis de placer l’Indonésie au rang d’acteur visible sur un dossier brûlant, de soigner l’image d’un pays musulman non arabe prêt à assumer des responsabilités internationales et d’ouvrir des perspectives économiques substantielles.

Mais elle n’est pas non plus une percée décisive. Son succès dépendra de la capacité de Jakarta à transformer les intentions en actions mesurables, à convaincre ses partenaires moyen-orientaux de dépasser leurs divisions, et à éviter l’écueil des promesses creuses.

En attendant, les photographies officielles font déjà le tour des rédactions : Prabowo au côté de MBZ, Prabowo à la tribune de Doha, Prabowo serrant les mains de leaders arabes. De quoi flatter l’opinion publique indonésienne et consolider son image d’homme fort sur la scène mondiale. Mais dans les ruelles de Gaza, sous les décombres encore fumants, l’unité tant espérée reste, pour l’heure, un horizon lointain.

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