Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

467 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 octobre 2025

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Pasar Malam, le pont discret entre Paris et l’archipel indonésien

Entre Paris et Jakarta, l’association franco-indonésienne Pasar Malam tisse depuis plus de vingt ans un pont discret mais vivant entre deux mondes. Loin des clichés touristiques, elle fait découvrir une Indonésie plurielle, contemporaine et en mouvement, à travers arts, débats et rencontres.

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pasar Malam, le pont discret entre Paris et l’archipel indonésien

Dans une salle du XIᵉ arrondissement, une odeur de curcuma et de citronnelle flotte entre les tables. Les rires se mêlent à une mélodie de gamelan, tandis qu’une jeune Franco-indonésienne sert du sate ayam à des visiteurs curieux. Ce soir-là, à Paris, l’Indonésie s’invite le temps d’une soirée. L’événement n’a rien d’anecdotique : il est signé Pasar Malam, une association franco-indonésienne qui depuis plus de vingt ans tisse, patiemment, un lien entre deux mondes souvent éloignés par la géographie mais rapprochés par la culture.

Un “marché de nuit” devenu passerelle culturelle

“Pasar Malam” signifie littéralement “marché nocturne” en indonésien. Mais le nom dit bien plus qu’il n’y paraît : il évoque un lieu vivant, populaire, un espace où les gens se croisent, se parlent, échangent. C’est exactement ce que Wilma Margono, Yita Dharma et Johanna Lederer avaient en tête lorsqu’elles ont fondé l’association en 2002 : créer, au cœur de Paris, un marché culturel où les imaginaires français et indonésiens pourraient se rencontrer.

Depuis, Pasar Malam est devenu un acteur discret mais constant du paysage associatif parisien. Loin des logiques de vitrine institutionnelle, l’équipe bénévole propose une approche artisanale, presque militante, de la diplomatie culturelle. Ici, pas de folklore figé, mais un désir de montrer l’Indonésie telle qu’elle vit, pense et se transforme — dans sa diversité, ses contradictions, sa modernité.

Faire connaître une culture plurielle

Car parler de l’Indonésie, c’est embrasser un archipel de 17 000 îles, des centaines de langues, de croyances, d’histoires. C’est évoquer Java et Sumatra autant que les Papous, Bali ou Sulawesi. Dans ses événements — projections, lectures, débats, expositions — Pasar Malam tente de rendre justice à cette pluralité.

Une semaine, on découvre le cinéma indonésien contemporain avec un film de Garin Nugroho ; la suivante, un atelier de batik fait dialoguer artisanat traditionnel et design moderne. Une autre fois, c’est un débat sur la littérature postcoloniale, animé par des chercheurs venus de Jakarta et de Paris.

Toujours, le même esprit : montrer que la culture indonésienne ne se réduit pas à ses clichés touristiques, mais qu’elle est traversée par des forces intellectuelles et artistiques majeures.

La revue Le Banian, un espace de réflexion franco-indonésien

Au cœur de ce travail, la revue semestrielle Le Banian joue un rôle central. Publiée depuis plusieurs années, elle rassemble écrivains, universitaires, artistes et témoins de terrain autour de thèmes comme la mémoire, la migration, l’identité, ou la langue. On y lit aussi bien des analyses politiques que des poèmes, des récits de voyage ou des traductions inédites d’auteurs indonésiens.

Cette publication, souvent méconnue du grand public, est pourtant l’une des rares plateformes francophones à donner une place réelle à la pensée indonésienne contemporaine. C’est un travail de passeurs, exigeant et modeste, que Pasar Malam continue de mener sans tapage.

Une diplomatie culturelle à taille humaine

À une époque où les échanges culturels sont souvent instrumentalisés par la diplomatie d’État, Pasar Malam assume une autre voie : celle de la rencontre à échelle humaine. L’association ne cherche pas à “représenter” l’Indonésie officielle, mais à faire dialoguer des individus — artistes, chercheurs, étudiants, citoyens — autour de ce qui relie la France et l’Indonésie : la curiosité, la créativité, la mémoire, la quête de sens.

Ainsi, chaque soirée devient un espace d’échange direct : une discussion autour d’un repas, un concert de musique traditionnelle précédé d’une introduction historique, ou encore une projection suivie d’un débat ouvert.

L’association collabore aussi avec des structures comme l’Indonesian Diaspora Network France, des universités ou des collectifs d’artistes. Son action repose avant tout sur le bénévolat, la passion et le désir de faire connaître une culture à la fois immense et intime.

Une invitation à franchir le pont

Dans un Paris saturé d’offres culturelles, Pasar Malam ne joue pas la carte du spectaculaire. Elle préfère le tissage patient : relier un lecteur à un poète indonésien, une danseuse balinaise à un compositeur français, un public curieux à une histoire encore peu racontée.

C’est un travail de terrain, fragile mais essentiel, surtout à une époque où la culture mondiale tend à s’uniformiser.

“Notre ambition n’est pas de représenter un exotisme, mais de créer une conversation”, explique une membre du bureau. “Nous voulons que les gens découvrent l’Indonésie autrement — dans sa complexité, sa beauté, et ses débats.”

Soutenir un espace rare de dialogue culturel

Pasar Malam fonctionne grâce à l’engagement de ses bénévoles et au soutien de ses adhérents. L’association accueille toutes celles et ceux qui souhaitent contribuer : passionnés de culture, artistes, chercheurs, cuisiniers, traducteurs, ou simples curieux. Chacun peut proposer un projet, un texte, une idée.

Car au fond, c’est cela, l’esprit du pasar malam : un lieu ouvert, vivant, en mouvement.

Dans une époque de replis identitaires et de diplomaties crispées, cette petite structure franco-indonésienne rappelle qu’une autre forme de relation est possible — plus humaine, plus lente, mais plus durable.

Un pont entre deux rives, entre Paris et Jakarta, entre deux imaginaires qui ne demandent qu’à se rencontrer.

Pour découvrir leurs activités, leurs publications ou les rejoindre :

pasarmalamparis.com

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.