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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 14 juin 2025

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La Guerre froide en Asie du Sud-Est : L’Indonésie, acteur discret mais décisif

Penser à la guerre froide en Asie du Sud-Est sans mentionner l’Indonésie, c’est comme lire un roman sans son héros principal. Entre ses milliers d’îles, ses ambitions nationalistes et ses tensions géopolitiques, ce pays a profondément marqué la région. Redécouvrir son rôle, c’est éclairer le passé et mieux comprendre les défis actuels de cette zone stratégique.

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La Guerre froide en Asie du Sud-Est : L’Indonésie, acteur discret mais décisif

Quand on évoque la guerre froide en Asie du Sud-Est, les images qui viennent souvent à l’esprit sont celles du Vietnam, de ses jungles et de ses combats acharnés. Pourtant, un pays immense, riche en diversité et en défis, a joué un rôle essentiel dans cette époque tumultueuse : l’Indonésie. Ce géant insulaire, souvent éclipsé dans les récits classiques, fut pourtant un acteur clé, à la fois sur la scène internationale et dans ses propres turbulences internes.

Une position géographique et politique stratégique

Imaginez un archipel de milliers d’îles s’étirant entre l’océan Indien et le Pacifique, au cœur des routes maritimes qui relient l’Asie et l’Europe. C’est l’Indonésie. Dès son indépendance en 1945, le pays devient un enjeu géopolitique de taille. Sukarno, son leader charismatique, rêve d’une nation unie et fière, capable de tracer sa propre voie entre les grandes puissances.

L’Indonésie se trouve ainsi à la croisée des chemins entre l’Orient et l’Occident, entre la démocratie occidentale et le communisme en pleine expansion. Sukarno joue habilement ce jeu d’équilibre, cherchant à garder son pays hors des griffes d’un bloc ou de l’autre.

Les multiples visages du nationalisme indonésien

Mais la guerre froide ne se joue pas seulement dans les palais présidentiels ou les salles de conférence. Elle s’invite dans les rues, les villages, et dans les cœurs des Indonésiens.

Le Parti communiste indonésien, ou PKI, devient un acteur majeur, revendiquant des idéaux d’égalité et de justice sociale. Son influence grandit, nourrie par les espoirs d’un avenir meilleur pour les plus modestes.

À mesure que les élections approchent, le PKI semble en passe de remporter le pouvoir par les urnes, ce qui inquiète profondément les élites conservatrices, l’armée et les puissances occidentales.

John F. Kennedy et l’Indonésie : entre fascination et défi

Le président américain John F. Kennedy, conscient des enjeux, entame un dialogue discret avec Jakarta. Il sait que la stabilité de l’Indonésie est cruciale pour contenir l’influence soviétique et chinoise en Asie du Sud-Est.

Ce jeu d’équilibre est délicat : les États-Unis soutiennent l’armée indonésienne tout en tentant de ne pas aliéner Sukarno, très populaire et adulé en Indonésie.

L’assassinat de Kennedy en 1963 met fin à cette phase de diplomatie nuancée. Pourtant, son intérêt pour l’Indonésie souligne l’importance géopolitique que ce pays occupe, bien au-delà de la simple image de ses conflits internes.

L’implication de son administration dans la négociation de l’Accord de New York en 1962, qui permit le transfert de la Papouasie occidentale des Pays-Bas à l’Indonésie, en témoigne clairement. Ce compromis, motivé par la crainte d’un basculement indonésien vers le bloc soviétique, s’est fait au détriment du droit à l’autodétermination du peuple papou.

Charles de Gaulle et le regard français sur l’Indonésie

Et la France dans tout ça ?

Toujours dans les années 1960, Charles de Gaulle suit avec une attention particulière les événements qui secouent l’Asie du Sud-Est. Sortant d’une décolonisation difficile en Algérie, il perçoit en Indonésie un exemple complexe de construction nationale post-coloniale.

Il admire la capacité de Sukarno à unir un peuple aux identités multiples, tout en restant prudent face à la montée du communisme dans la région. Soucieuse de ses intérêts en Indo-pacifique, la France observe avec vigilance cette zone où les grandes puissances s’affrontent pour asseoir leur influence.

Un tournant historique majeur

L’année 1965 marque un basculement qui résonne encore aujourd’hui. Un présumé coup d’État manqué des communistes précipite une série d’événements dramatiques. Sukarno est évincé, et Suharto prend le pouvoir, ouvrant une nouvelle page dans l’histoire indonésienne. Avec lui, l’Indonésie s’aligne plus clairement avec l’Occident, renforçant sa position dans la lutte contre le communisme.

Cette transition influe profondément sur la région : l’Indonésie devient un pilier de la stabilité pour ses voisins, participant activement à la création de l’ASEAN, un projet d’unité régionale destiné à garantir la paix et le développement.

Un acteur clé au cœur de la région

Au-delà des conflits, l’Indonésie incarne la complexité d’une Asie du Sud-Est en pleine mutation. Sa diversité ethnique, religieuse et culturelle en fait un laboratoire unique où s’entrelacent modernité et traditions. Sa diplomatie, son poids démographique et son positionnement géographique en font un acteur incontournable dans les équilibres régionaux.

Alors que certains pays attirent tous les projecteurs, l’Indonésie, discrète mais puissante, tisse sa toile d’influence avec patience et détermination.

Redécouvrir l’Indonésie dans l’histoire de la guerre froide

Penser à la guerre froide en Asie du Sud-Est sans évoquer l’Indonésie, c’est comme lire un roman sans un personnage central. Ce pays, entre ses archipels, ses idéaux et ses défis, a façonné la région de manière profonde, parfois invisible mais toujours essentielle.

Redonner à l’Indonésie la place qu’elle mérite dans cette histoire, c’est mieux comprendre non seulement le passé, mais aussi les enjeux d’aujourd’hui dans cette partie du monde fascinante et complexe.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.