Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 14 septembre 2025

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Le courage face à la peur : le chemin de Munir Said Thalib

Il y a 21 ans, Munir Said Thalib, avocat et militant des droits humains, a été assassiné le 7 septembre 2004 pour avoir dénoncé les abus et violations commis en Indonésie. Son courage face à la peur demeure un héritage puissant, qui continue d’inspirer la lutte pour la justice et la vérité face au silence institutionnel.

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Le courage face à la peur : le chemin de Munir Said Thalib

« Rien ne soigne la peur mieux que le courage de l’affronter. »

— Munir Said Thalib

La vie de Munir Said Thalib, militant indonésien des droits humains assassiné en 2004, incarne une lutte incessante contre l’injustice, la corruption et la violence d’État. 

Sa trajectoire, jalonnée de menaces, d’intimidations et de dangers constants, est une leçon vivante sur le courage moral et l’éthique de la résistance. Au cœur de cette lutte se trouve une vérité philosophique universelle : l’obstacle le plus profond n’est pas la force extérieure de l’oppression, mais la peur qu’elle suscite, et la seule manière de la surmonter est de l’affronter.

La peur comme mécanisme de contrôle

La peur n’est jamais neutre ; elle est un instrument de pouvoir. Les régimes autoritaires, les institutions oppressives ou les élites corrompues savent que la peur paralyse l’action, altère le jugement et contraint l’individu à l’inaction ou à la complicité silencieuse. Munir, en dénonçant les violations des droits humains en Indonésie, a affronté non seulement la peur personnelle d’être persécuté, mais aussi la peur collective qui gangrène la société. Sa pensée et son engagement nous rappellent que la peur peut être l’arme la plus efficace du pouvoir, tant qu’elle n’est pas confrontée directement.

Philosophiquement, cette idée trouve un écho chez Spinoza, pour qui la connaissance est la voie de la libération : comprendre la peur, en analyser les causes et les mécanismes, c’est déjà commencer à la désarmer. Munir n’a pas simplement vécu la peur : il l’a analysée, l’a nominée, et l’a affrontée avec lucidité.

Le courage comme acte conscient

Le courage, dans la perspective de Munir, n’est pas un instinct héroïque ou une bravade isolée : il est une décision consciente, un engagement envers la vérité et la justice.

Issu d’une famille d’origine yéménite et profondément enraciné dans sa foi musulmane, Munir portait en lui la conviction que la défense des opprimés est une exigence spirituelle autant qu’éthique. Il savait que dénoncer les violations des droits humains signifiait mettre sa vie en danger, mais il a choisi d’agir parce que la justice et la vérité sont des obligations supérieures à la peur de la mort ou de la répression.

Comme le rappelle le Coran : « Ô vous qui croyez ! Soyez fermes dans l’équité, témoins pour Dieu, même si c’est contre vous-mêmes, vos parents ou vos proches » (Sourate 4, verset 135). Cette parole résonnait comme un leitmotiv dans son combat : la justice pour les démunis et les vulnérables ne peut être différée, même face au prix ultime.

Dans ce sens, son courage s’apparente à une éthique de la responsabilité : la peur n’est pas niée, elle est ressentie, mais elle devient un moteur de vigilance et d’action, plutôt qu’un frein. L’engagement de Munir est une leçon que la véritable liberté humaine ne consiste pas à éviter le danger, mais à agir en conscience malgré lui.

L’éthique de la résistance : faire face au danger

La maxime « l’obstacle de la peur se surmonte en affrontant la peur » peut être traduite en pratique politique et morale. Pour Munir, cela signifiait :

1. Documenter les violations, même sous menace, afin que la vérité ne soit pas effacée.

2. Informer la société et la communauté internationale, rendant le secret et le silence impossibles.

3. Construire des alliances, humanitaires et juridiques, pour que l’action ne soit pas solitaire mais collective.

Cette approche philosophique rejoint les idées de Gandhi et de Martin Luther King Jr., pour qui la résistance non-violente n’est pas une passivité, mais une confrontation courageuse et consciente à l’injustice, où la peur est le premier adversaire à vaincre.

Paradoxalement, la peur, lorsqu’elle est affrontée, devient un catalyseur de transformation personnelle et sociale. La peur de Munir n’a jamais été un frein ; elle l’a poussé à réfléchir, à organiser et à instruire ses pairs. Chaque risque accepté est une leçon sur la fragilité des systèmes autoritaires et la puissance de l’action morale. La philosophie de l’engagement de Munir enseigne que le courage ne se définit pas par l’absence de peur, mais par la capacité à transformer la peur en action signifiante.

Munir : la mort d’un courage 

L’assassinat de Munir en 2004 a profondément marqué l’Indonésie et attiré l’attention de la communauté internationale des défenseurs des droits humains. Avocat et militant reconnu pour sa lutte contre les violations des droits humains, en particulier dans les contextes militaire et politique, Munir a été empoisonné lors d’un vol à destination des Pays-Bas.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce crime : il pourrait s’agir d’une tentative de réduire au silence un militant dénonçant des abus militaires et des violations fondamentales des droits humains, ou encore d’une opération orchestrée par certains acteurs au sein de l’État ou des services de renseignement, visant à protéger des intérêts stratégiques et politiques.

Les enquêtes ont confirmé que Munir avait été empoisonné à l’arsenic dans son repas à bord de l’avion. Néanmoins, l’identité exacte des commanditaires reste controversée. Plusieurs responsables du renseignement indonésien ont été inculpés, et certains indices suggèrent une implication indirecte de structures gouvernementales, sans que la responsabilité des instigateurs ait jamais été établie officiellement. Cet assassinat continue de soulever des questions cruciales sur l’impunité, la protection des militants et les limites de l’État de droit en Indonésie.

Héritage philosophique et moral

Pourtant, l’héritage de Munir demeure vivant. Sa vie et son engagement rappellent que la peur ne doit jamais constituer un obstacle insurmontable à la justice et à la vérité. Son parcours est un véritable manifeste éthique : l’action humaine atteint sa dignité la plus haute lorsqu’elle est guidée par la conscience et le courage moral.

Sa lutte montre que chaque société confrontée à l’oppression peut s’inspirer de modèles de résistance non-violente et lucide. Elle invite à une réflexion philosophique sur le rôle de la peur, de l’éthique et de la responsabilité dans l’histoire humaine. En affrontant la peur, l’homme transforme le danger en puissance morale et l’injustice en occasion de vérité.

Source :

https://omong-omong.com/21-tahun-mengenang-kematian-munir-sang-martir/

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