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Billet de blog 15 juin 2025

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Nucléaire en Indonésie : mirage technologique ou priorité mal placée ?

L’Indonésie ambitionne de développer le nucléaire civil dans l’une des zones les plus sismiques au monde. Porté par des objectifs de transition énergétique et de souveraineté technologique, ce choix interroge : peut-on concilier développement nucléaire et instabilité géologique sans compromettre la sécurité nationale ?

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Nucléaire en Indonésie : mirage technologique ou priorité mal placée ?

L’Indonésie, pays d’Asie du Sud-Est situé sur la ceinture de feu du Pacifique, est l’un des territoires les plus exposés aux risques sismiques et volcaniques au monde. 

Malgré un contexte géologique instable, l’Indonésie poursuit son projet nucléaire civil, récemment soutenu lors de la visite d’Emmanuel Macron, qui a renforcé la coopération bilatérale en matière énergétique. Cette ambition soulève néanmoins des questions de sécurité liées aux risques sismiques.

Pourquoi envisager le nucléaire ?

L’Indonésie est la quatrième nation la plus peuplée au monde, avec une croissance démographique rapide et une industrialisation en plein essor. La demande en électricité ne cesse d’augmenter, et le pays cherche à diversifier ses sources d’énergie, aujourd’hui largement dominées par le charbon (environ 60 % de la production en 2023 selon l’Agence Internationale de l’Énergie).

Face aux enjeux environnementaux liés aux énergies fossiles et à la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le nucléaire apparaît comme une solution capable de fournir une énergie stable, à faible émission de carbone, et en grande quantité.

Un environnement sismique très instable 

Cependant, l’Indonésie est située à la convergence de plusieurs plaques tectoniques — la plaque australienne, la plaque pacifique, la plaque eurasienne et la plaque philippine. Cette configuration géologique provoque une activité sismique et volcanique intense : plus de 7 000 séismes sont enregistrés chaque année dans le pays, dont plusieurs dépassent une magnitude de 6,0 !

L’archipel abrite également plus de 130 volcans actifs, ce qui complique encore la gestion des risques naturels. Cette situation unique impose une vigilance extrême pour toute infrastructure sensible.

Les hauts risques du nucléaire

Construire une centrale nucléaire dans un tel environnement constitue un défi majeur en matière de sûreté. Les centrales nucléaires exigent des structures robustes, conçues pour résister aux tremblements de terre et autres catastrophes naturelles. Malgré les avancées technologiques, l’histoire récente montre que le risque zéro n’existe pas.

Le plus célèbre exemple est la catastrophe de Fukushima en 2011, où un séisme de magnitude 9, suivi d’un tsunami, a causé la fusion de trois réacteurs, entraînant un désastre nucléaire aux conséquences humaines, sanitaires et économiques dévastatrices. 

Le Japon, pourtant un pays développé et fortement préparé, a été incapable d’éviter cette tragédie.En comparaison, l’Indonésie ne dispose pas encore d’une expérience étendue dans la gestion des technologies nucléaires. 

Entre ambition nationale et réalité budgétaire

La construction, l’exploitation et surtout la gestion des déchets radioactifs nécessitent des compétences techniques très pointues et un investissement considérable dans la formation et la maintenance des installations.

Par ailleurs, le financement d’un programme nucléaire est extrêmement coûteux. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), la construction d’une centrale nucléaire coûte en moyenne entre 5 et 10 milliards de dollars, sans compter les coûts liés à la sûreté, à la gestion des déchets et à la déconstruction future des installations. Pour un pays en développement comme l’Indonésie, ces investissements pourraient être mieux dirigés vers des alternatives plus sûres.

Des alternatives plus sûres et adaptées

L’Indonésie possède un potentiel important en énergies renouvelables : géothermie, hydroélectricité, solaire et éolien. Par exemple, avec ses nombreux volcans, le pays pourrait exploiter davantage la géothermie, déjà utilisée à environ 2 000 MW, ce qui en fait le deuxième plus grand producteur mondial de cette énergie après les États-Unis.

Investir dans ces énergies renouvelables offrirait une solution plus adaptée au contexte géologique, avec moins de risques pour la population et l’environnement, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Entre prestige et péril : les limites d’un projet nucléaire en zone sismique

Le projet nucléaire civil en Indonésie soulève de sérieuses questions quant à sa pertinence dans un pays aussi exposé aux risques sismiques. Si l’énergie nucléaire peut paraître une réponse séduisante à la demande croissante, les risques liés à la nature géologique du territoire sont loin d’être négligeables. 

Ce projet s’inscrit-il dans une série d’initiatives dites « mercusuar » — ces projets phares souvent très médiatisés, mais dont la concrétisation demeure incertaine, à l’image de la nouvelle capitale administrative, encore loin d’être achevée ?

Il convient donc de s’interroger sur la faisabilité réelle du projet ainsi que sur les priorités stratégiques du pays en matière énergétique.

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