Rencontres France-Indonésie : différences clés
Quand le sourire crée le lien social
Un Français qui pose pour la première fois le pied en Indonésie remarque immédiatement une chose étrange et charmante : on lui sourit, partout, tout le temps.
Ce sourire n’est pas une simple politesse de façade, mais une manière d’entrer en relation, de désamorcer la tension, de vivre ensemble sans conflit apparent.
À Paris, un sourire offert à un inconnu dans la rue serait parfois perçu comme suspect ou déplacé. En Indonésie, il est presque attendu.
Dire non sans blesser : le langage de l’évitement
Là où un Français dira franchement ce qu’il pense, parfois de manière tranchante, un Indonésien contournera l’affront. Pas pour manipuler, mais pour ne pas heurter.
Refuser une invitation ou exprimer un désaccord passe souvent par des tournures indirectes : "on verra", "peut-être", "encore à discuter". Cette forme de diplomatie quotidienne peut déstabiliser un Européen habitué à la parole directe comme gage d’authenticité.
Le choc de la ponctualité et de l'heure élastique
En Indonésie, on parle de "jam karet", littéralement "heure en caoutchouc". Un rendez-vous fixé à 14h peut débuter à 14h30, ou plus tard, sans que cela ne crée de tension.
Le temps est souple, soumis aux aléas de la vie. En France, au contraire, la ponctualité est perçue comme un signe de respect. Ce décalage de perception provoque parfois agacement, parfois émerveillement — selon le tempérament du voyageur.
Espaces publics et pudeurs privées
L’Indonésien qui arrive en France est souvent surpris par la discrétion des interactions. Dans le métro parisien, on se regarde à peine, on évite le contact.
À Java ou Sumatra, on engage la conversation dans le bus, au marché, dans la rue. En France, le silence est perçu comme respect de l’intimité ; en Indonésie, il peut être interprété comme indifférence. Les codes sont inversés.
Affection publique, pudeur familiale
Il y a dans les rues françaises une liberté corporelle parfois déroutante pour l’œil indonésien : couples qui s’embrassent sur les quais, jeunes gens main dans la main, gestes tendres en pleine rue.
En Indonésie, l’espace public est moins permissif. Ce qui est affectif relève du privé. À l’inverse, le Français est souvent surpris que tant de jeunes adultes vivent encore chez leurs parents à 30 ans passés. Ce n’est pas un signe d’immaturité, mais une expression de solidarité intergénérationnelle.
Religion visible, religion silencieuse
En Indonésie, la religion est partout : dans les vœux du matin, dans les pauses de prière, dans la manière de bénir un plat ou un trajet. Même dans un contexte laïque, elle reste visible, vivante.
En France, le rapport à la religion est plus discret, parfois soupçonneux. L’Indonésien se demande pourquoi les églises sont vides ; le Français peut être gêné par une question trop directe sur sa foi. Ce décalage révèle deux histoires très différentes du rapport au sacré.
Choc culinaire : riz au petit-déjeuner et fromage comme dessert
À 7h du matin, un nasi goreng épicé peut sembler incongru à un palais français. À 20h, un fromage fort au goût pénétrant peut faire grimacer un invité javanais.
Et pourtant, chacun découvre que l’assiette de l’autre raconte une histoire : celle d’un climat, d’un rapport au corps, d’un rythme de vie. Le goût est aussi une école d’humilité.
Entre liberté et harmonie : deux visions du vivre ensemble
La France valorise la liberté de pensée, d’expression, d’individualité. L’Indonésie met l’accent sur l’harmonie, l’équilibre, la vie collective. L’une pousse à se distinguer, l’autre à se fondre dans le groupe sans se perdre.
Ces deux modèles, souvent opposés, peuvent aussi se compléter. Nombre d’Indonésiens repartent de France avec un sens renouvelé de la parole libre. Et nombre de Français reviennent d’Indonésie touchés par la douceur des liens sociaux.
Se découvrir en découvrant l’autre
Ce sont parfois les détails les plus inattendus qui révèlent le plus grand fossé culturel : une poignée de main, une manière de dire non, un silence qui parle. Et pourtant, ces différences ne sont pas des murs.
Elles sont des miroirs. En observant l’autre, chacun se redécouvre. La France enseigne la critique ; l’Indonésie rappelle la chaleur du consensus. Ensemble, elles invitent à penser une autre manière d’être au monde, moins rigide, plus attentive, plus humaine.