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Billet de blog 19 août 2025

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La piraterie dans le détroit de Malacca : une histoire millénaire

Le détroit de Malacca, reliant la mer d'Andaman à la mer de Chine méridionale, est une route stratégique majeure. Depuis le XIIIe siècle, il a été le théâtre de piraterie, de l’âge d’or avec les Orang Laut et Chen Zuyi au XVe siècle, à la résurgence moderne. Malaisie, Indonésie et Singapour coopèrent pour sécuriser ce passage vital.

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La piraterie dans le détroit de Malacca : une histoire millénaire

Le détroit de Malacca, étroit passage maritime reliant la mer d'Andaman à la mer de Chine méridionale, est l'une des voies navigables les plus stratégiques au monde. Long de 800 kilomètres, il sépare la péninsule malaise de l'île indonésienne de Sumatra. Chaque année, plus de 120 000 navires y transitent, représentant environ un tiers du commerce maritime mondial, dont une part significative du pétrole importé par la Chine et le Japon. Cette importance commerciale a fait du détroit un terrain propice à la piraterie, phénomène qui perdure depuis plus d'un millénaire. 

Les origines de la piraterie dans le détroit

Dès le XIIIe siècle, le voyageur chinois Zhao Rukuo évoquait la domination maritime du royaume de Srivijaya, qui contrôlait les eaux régionales et envoyait des navires attaquer les vaisseaux ne faisant pas escale dans ses ports. Au XIVe siècle, le prince de Palembang, Parameswara, fondateur du sultanat de Malacca, aurait survécu à des tentatives d'expansion grâce à la loyauté des équipages de pirates Orang Laut, les "hommes de la mer", dont la culture était intimement liée aux activités maritimes. 

L'âge d'or de la piraterie (XVe - XIXe siècles)

Au XVe siècle, des pirates chinois tels que Chen Zuyi prospérèrent dans la région. Originaire du Guangdong, Chen Zuyi dirigeait une flotte de 5 000 hommes et 10 navires depuis Palembang, attaquant impitoyablement les navires marchands du détroit de Malacca. Sa flotte fut vaincue par l'amiral Ming Zheng He lors de la bataille de Palembang en 1407, et Chen fut capturé et exécuté à Nankin. Malgré cela, d’autres pirates continuaient de hanter les eaux malaisiennes, défiant les armadas européennes et les forces locales. 

Entre les XVe et XIXe siècles, les eaux malaisiennes ont joué un rôle clé dans les luttes de pouvoir à travers l'Asie du Sud-Est. Outre les puissances locales, les puissances coloniales portugaises, hollandaises et britanniques ont tenté de contrôler la région, envoyant des armadas pour éradiquer les pirates. Pourtant, malgré des efforts persistants et des batailles mémorables, aucune flotte ne parvint jamais à anéantir complètement ces maîtres des mers. Les archives de la présence étrangère, notamment en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Malacca, témoignent de combats acharnés et de navires perdus dans des tempêtes ou des escarmouches navales. 

La piraterie au XXe siècle et au-delà

La piraterie dans le détroit de Malacca a connu un renouveau au XXe siècle, notamment dans les années 1990. Cette résurgence était en partie due à l'instabilité économique et politique dans les pays voisins, ainsi qu'à la géographie favorable du détroit, avec ses passages étroits et ses milliers d'îles offrant des cachettes idéales pour les pirates. En 2005, Lloyd's of London classait le détroit parmi les 20 voies maritimes les plus dangereuses, augmentant ses primes d'assurance pour les navires empruntant cette route et qualifiant la zone de véritable zone de guerre.

Réponses internationales et coopération régionale

Face à cette menace persistante, les pays riverains — Malaisie, Indonésie et Singapour — ont intensifié leurs efforts pour lutter contre la piraterie. Patrouilles conjointes, échanges de renseignements et opérations de surveillance ont été mis en place pour sécuriser cette artère vitale du commerce mondial. Pourtant, comme au cours des siècles précédents, les pirates continuent de défier l'autorité, rappelant que le contrôle absolu sur ces eaux reste une illusion. 

Conclusion

La piraterie dans le détroit de Malacca est un phénomène complexe et ancien, façonné par des facteurs géographiques, économiques et politiques. Malgré les armadas portugaises, hollandaises, britanniques et les efforts modernes de coopération régionale, les pirates n’ont jamais été complètement éradiqués. Leur résilience illustre la difficulté de dominer ces eaux stratégiques et la permanence d’une culture maritime profondément enracinée. Le détroit de Malacca demeure ainsi un théâtre vivant où histoire, commerce et piraterie s’entrelacent depuis plus d’un millénaire.

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