Timika, l’or qui tue : l’évêque papou sonne l’alarme face aux violences et à l’impunité
Au cœur des montagnes humides de Papouasie centrale, Timika brille aux yeux du monde comme le site de la plus grande mine d’or terrestre. Grasberg, exploitation colossale de l’Américain Freeport-McMoRan et de PT Freeport Indonesia, draine chaque année des tonnes d’or et de cuivre, alimentant les marchés mondiaux et enrichissant des multinationales. Mais derrière cette opulence, la réalité est brutale : les communautés papoues locales vivent sous le joug d’une violence qui semble institutionnalisée, et l’impunité des forces de sécurité transforme chaque conflit en tragédie humaine.
Le 18 octobre 2025, Mgr Bernardus Bofitwos, nouvel évêque de Timika, a choisi l’ordination de deux diacres pour adresser au monde un message qui résonne comme un cri de vérité. Dans une homélie qui n’a rien de protocolaire, il a pris le président indonésien Prabowo Subianto et le commandant en chef des forces armées Agus Subiyanto à témoin, leur demandant de « mettre fin à la chasse à l’homme qui se déroule dans nos montagnes ». Soulignant l’injustice des violences, il a affirmé que « chaque vie humaine est sacrée, elle n’appartient à personne pour être ôtée », en référence aux quinze Papous tués lors d’opérations militaires dans la région.
Mais ce qui se joue à Timika dépasse le cadre des violences ponctuelles. La mine de Grasberg, véritable eldorado minéral, est aussi un catalyseur de tensions sociales et politiques. Déplacement forcé de villages, pollution des rivières, destruction des terres agricoles traditionnelles : les Papous subissent les conséquences d’une exploitation qui enrichit une poignée d’élites tout en précarisant des milliers de vies. Chaque tir de balle, chaque intervention militaire sur ces terres peut être lu comme une tentative de contrôle sur les richesses que le sous-sol recèle, mais qui ne profitent pas à ceux qui vivent ici depuis des générations.
Dans son discours, Mgr Bernardus ne se contente pas de dénoncer la violence. Il pointe aussi l’urgence d’un dialogue véritable, d’une justice qui transcende les logiques de profit et les calculs de pouvoir. Il rappelle que la dignité humaine n’est pas négociable, que la prospérité économique ne justifie jamais la mort ni la peur. Son évêché, succédant à l’héritage de Mgr John Philip Saklil, incarne cette résistance spirituelle qui refuse de fermer les yeux sur les injustices et sur l’indifférence des autorités.
Le message de l’évêque papou est clair : la richesse de la mine ne peut être construite sur le sang et la terreur.
Et s’il parle aujourd’hui, c’est parce que le silence a trop longtemps accompagné l’oppression : depuis plus de six décennies d’« intégration » à l’Indonésie, les Papous ont été victimes de répressions systématiques, avec des centaines de milliers de morts selon certaines estimations d’ONG. Ses mots sont une mise en garde morale pour le gouvernement et pour tous ceux qui ferment les yeux sur ce qui se passe à Timika : il n’y a pas de prospérité durable sans paix, et il n’y a pas de paix sans justice.
Alors que le monde continue de célébrer les métaux précieux extraits de Timika, il est crucial de regarder au-delà de l’or et du cuivre. Il faut écouter les cris de ceux que l’on tente d’effacer, reconnaître leur humanité et répondre à l’appel de Mgr Bernardus avant qu’il ne soit trop tard. Parce que dans ces montagnes, chaque mine n’est pas seulement un puits de richesse : c’est un miroir de nos choix collectifs, et un témoin des vies qui valent bien plus que tout l’or du monde.
Source :
https://www.odiyaiwuu.com/uskup-timika-mohon-presiden-dan-panglima-tni-hentikan-membunuh-manusia-di-tanah-papua/