Non-alignement indonésien : entre souveraineté affirmée et réalités pragmatiques
Depuis son indépendance, l’Indonésie s’est construite autour d’un idéal de non-alignement, cherchant à se distinguer des blocs Est et Ouest pendant la Guerre froide. Ce positionnement, clairement affirmé lors de la conférence de Bandung en 1955, visait à défendre une souveraineté nationale indépendante des grandes puissances, tout en soutenant les intérêts des pays nouvellement indépendants du Sud global.
Un engagement international nuancé par les enjeux géopolitiques
Plus de soixante ans plus tard, l’Indonésie revendique toujours ce statut en se positionnant comme un acteur important au sein d’organisations émergentes telles que les BRICS, tout en affichant un soutien politique fort à des causes internationales comme celle de la Palestine.
Cependant, derrière cette posture de non-alignement se cache une réalité géopolitique complexe. Le pays est au cœur de tensions commerciales majeures, notamment les guerres tarifaires opposant ses deux principaux partenaires économiques, les États-Unis et la Chine. Face à ces défis, l’Indonésie doit jongler entre la préservation de son indépendance diplomatique et la nécessité de maintenir des relations économiques vitales.
Tensions internes et ambiguïtés diplomatiques
Sur le plan national, la politique de non-alignement met en lumière de profondes tensions. En tant que pays archipélagique et multiethnique, l’Indonésie peine à forger une unité solide, tiraillée entre un centralisme javanais prédominant et des revendications régionales fortes, notamment dans ses provinces papoues.
Économiquement, Jakarta adopte une stratégie ambiguë : elle affirme vouloir protéger ses industries naissantes et ses ressources naturelles, tout en accordant facilement des permis d’exploitation aux multinationales et en appliquant des droits de douane très faibles sur certaines importations, notamment américaines. L’objectif principal reste de ne pas compromettre ses liens avec ses partenaires commerciaux clés.
Diplomatiquement, si l’Indonésie se montre vocalement engagée en faveur de la cause palestinienne, elle adopte une posture plus réservée, voire silencieuse, sur d’autres situations de colonisation ou conflits internes dans la région Asie-Pacifique. Par ailleurs, elle entretient des coopérations militaires sans complexe avec des États occidentaux, dont la France, qui soutiennent l’action d’Israël, notamment à travers la vente d’équipements militaires.
Vers une évolution du non-alignement indonésien
Cette ambivalence révèle que le non-alignement indonésien ne relève pas d’une ligne politique rigide, mais d’un équilibre subtil entre l’affirmation de la souveraineté nationale et des compromis pragmatiques dictés par les intérêts stratégiques.
Ne conviendrait-il pas, dès lors, de parler plutôt de multi-alignements que de non-alignement au sens strict du terme ? Ou, pour le dire plus simplement, d’une stratégie consistant à jouer sur plusieurs tableaux selon les circonstances ?
Si l’Indonésie souhaite renforcer sa crédibilité, cette posture gagnerait à évoluer vers une gouvernance intérieure plus inclusive et une stratégie diplomatique plus cohérente, en accord avec les valeurs fondamentales de la nation indonésienne.
Un véritable non-alignement ne saurait se réduire à un opportunisme de neutralité, mais doit au contraire s’affirmer comme une confrontation éthique et politique à un ordre mondial injuste !