La persécution des chrétiens en Indonésie : un silence coupable !
L’Indonésie, plus de 17 000 îles, des centaines de langues et une diversité religieuse impressionnante. Sur le papier, tout semble harmonieux.
Le pays clame haut et fort sa devise : Bhinneka Tunggal Ika — « Unité dans la diversité ». Mais derrière ce vernis de pluralisme, une réalité inquiétante persiste depuis 1945 : la persécution des chrétiens, souvent niée par ceux mêmes qui devraient la dénoncer.
Des chiffres qui dérangent
Le bilan est accablant :
Entre 1945 et 1997, 374 églises furent fermées, vandalisées ou incendiées, avec au moins vingt religieux tués, avant que les violences intercommunautaires d’Ambon et de Poso à la fin des années 1990 n’entraînent la destruction de plusieurs centaines d’édifices supplémentaires et la mort de plusieurs milliers de civils.
Entre 1997 et 2007, l’Indonésie a connu une série de fermetures forcées d’églises, principalement motivées par des considérations administratives et politiques. Bien que les chiffres exacts varient selon les sources, les estimations indiquent que plusieurs milliers de lieux de culte ont été affectés. Entre 2007 et 2021, au moins 200 églises ont été scellées ou interdites, sans compter plus de 1 000 édifices incendiés depuis 1998.
Parallèlement, des groupes terroristes ont mené cinquantaine attentats ciblant des lieux de culte chrétiens — des attaques coordonnées de Noël 2000 aux attentats-suicides de Surabaya en 2018 ou de Makassar en 2021. Entre 2014 et 2024, l’Institut Setara a recensé plus de 3 000 violations documentées de la liberté de religion et de croyance.
La persécution des chrétiens en Indonésie se manifeste de manière particulièrement frappante dans la province de Papouasie. Sur cette terre majoritairement chrétienne, même des expressions publiques de foi, comme le chemin de croix lors de la visite du pape François en 2024, sont souvent empêchées sous prétexte de « troubler l’ordre public ». Dans certains cas, des églises situées dans des villages papous ont été réquisitionnées et transformées en bases pour des opérations militaires. Plusieurs pasteurs et catéchistes ont été assassinés sous prétexte d’entretenir des liens avec des groupes rebelles armés.
Ainsi, en huit décennies, ce sont plusieurs milliers d’églises qui ont été détruites, fermées ou profanées, et des milliers de vies brisées, témoignant d’une persécution confessionnelle d’une ampleur exceptionnelle en Asie du Sud-Est.
Le paradoxe du silence
Mais ce qui choque le plus, c’est le silence des leaders chrétiens : plutôt que de dénoncer publiquement ces violences, beaucoup préfèrent l’auto-censure, la prudence, voire le déni ; pis encore, certains hauts placés s’emploient à convaincre les médias internationaux que le « vivre-ensemble » demeure globalement acceptable, contribuant ainsi à entretenir le mythe d’une tolérance religieuse indonésienne qui se fissure pourtant sous le poids des réalités.
Ce paradoxe moral invisibilise la souffrance des communautés chrétiennes et empêche toute action efficace, transformant le silence en une complicité involontaire. Quel contraste avec le courage de l’évêque John Joseph au Pakistan, qui osa organiser une résistance civile non-violente réunissant à la fois les minorités et les musulmans opposés à la violence.
Pourquoi le déni et l'inaction de la hiérarchie indonésienne ?
Trois facteurs principaux expliquent ce silence apparent, sans pour autant l’excuser.
D’abord, la pression sociale et politique : dénoncer publiquement la persécution contre les communautés chrétiennes peut entraîner de sévères représailles, mettant en danger les leaders eux-mêmes.
Ensuite, la volonté de maintenir une coexistence pacifique : certains responsables chrétiens choisissent la prudence pour éviter d’enflammer les tensions avec la majorité musulmane.
Enfin, pour des raisons patriotiques, de nombreux responsables chrétiens choisissent de s’aligner sur le discours officiel de l’État indonésien, qui se présente comme un modèle de tolérance. Dans cette dynamique, les tensions se trouvent atténuées, voire dissimulées, afin de sauvegarder l’image internationale du pays.
Résultat : le silence s’installe. La persécution continue, et ses victimes demeurent invisibles aux yeux du monde.
L’amour et le pardon sont souvent invoqués par certains dirigeants chrétiens face aux violences et aux injustices. Pourtant, derrière ces appels à la réconciliation, ils s’abstiennent fréquemment de prendre position ferme contre les persécutions, refusant de soutenir ouvertement les victimes.
Ce discours, qui se veut noble et universel, devient alors un masque rhétorique : il protège leur image et celle de leurs institutions, tout en permettant au statu quo de perdurer. L’amour proclamé se transforme ainsi en un instrument de dissimulation, où la vertu morale affichée camoufle la peur et l’inaction, laissant les opprimés sans défense.
Une urgence morale
Ignorer la persécution des chrétiens en Indonésie revient à fermer les yeux sur une injustice persistante. Les communautés continuent de subir la fermeture de leurs églises, des intimidations et des agressions, ce qui rend d’autant plus urgent de dénoncer ces violences et d’agir pour protéger les victimes.
Certes, la Conférence des évêques indonésiens (KWI) et la Communion des Églises en Indonésie (PGI) publient périodiquement des déclarations exhortant les autorités à agir contre l’intolérance religieuse. Ces gestes constituent un premier pas, mais ils restent largement insuffisants s’ils ne sont pas accompagnés de mesures concrètes.
Pour être réellement efficace, cette prise de position doit s’accompagner d’enquêtes indépendantes, de sanctions judiciaires proportionnés, de mécanismes de protection pour les victimes ainsi que d’initiatives de prévention et de sensibilisation dans la société. Sans responsabilité claire, sans suivi institutionnel et sans engagement à long terme, le risque est grand que ces paroles restent purement symboliques et n’apportent aucun changement tangible.
https://m.youtube.com/watch?v=eknYjbBK4y0