Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 22 juin 2025

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L’Hypocrisie des Croyants

Assez de cette hypocrisie religieuse qui se cache derrière un « Je prierai pour toi » comme si ça suffisait ! Pendant que l’injustice déchire des vies, certains croyants préfèrent fermer les yeux, invoquer la prière comme un pansement inutile, ou parler de procédure pour ne rien faire. C’est une honte : une foi sans action est une insulte aux souffrants !

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L’Hypocrisie des Croyants :

Quand la Prière Devient une Évasion et la Procédure un Bouclier contre la Justice

Paroles pieuses, cœurs vides : voilà l’éternel drame de la religion dévoyée.

Il est devenu courant, dans les cercles religieux comme dans la sphère publique, d’assister à une forme de foi aseptisée, désincarnée, qui remplace la responsabilité par des formules toutes faites. L’une des plus célèbres est sans doute : « Je prierai pour vous. » Une phrase apparemment bienveillante, mais trop souvent utilisée pour se dérober à l’engagement concret, à la compassion agissante, à l’indignation morale qui bouscule et dérange.

Quand la prière devient une échappatoire

« Je prierai pour toi. » Ces mots, prononcés avec un regard compatissant, peuvent être sincères. Mais que deviennent-ils lorsqu’ils remplacent l’action ? Lorsqu’ils sont le dernier refuge de ceux qui refusent d’affronter l’injustice, la souffrance ou le conflit ? Pire encore : lorsqu’ils sont utilisés comme un écran de fumée pour éviter d’avoir à rendre compte de leur silence, de leur complicité, de leur confort ?

Trop de croyants — et pas seulement dans une tradition religieuse spécifique — transforment la prière en une stratégie de désengagement. Ils invoquent Dieu pour éviter d’avoir à parler, à protester, à se salir les mains. Ils ferment les yeux sur les violences, les discriminations, les oppressions systémiques, et se réfugient dans une intériorité spirituelle qui, sous couvert de piété, n’est qu’indifférence.

Le silence face à l’injustice : neutralité ou complicité ?

Lorsqu’on dénonce l’injustice, ces mêmes croyants s’empressent de rappeler que « ce n’est pas la bonne manière », que « ce n’est pas le bon moment », ou que « Dieu seul jugera ». Ils invoquent la paix pour éviter le conflit, l’amour pour éviter la vérité, la prière pour éviter l’engagement. Ils préfèrent l’ordre établi à la justice subversive, la tranquillité des consciences à la révolution des cœurs.

Pourtant, la foi véritable ne fuit pas la souffrance du monde. Elle y entre, elle s’y compromet, elle se mouille. Elle ne se cache pas derrière des slogans pieux, mais prend position, même si cela coûte. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » disait déjà Jésus. Ce reproche n’était pas réservé à une époque révolue : il vise aujourd’hui tous ceux qui sacralisent le formalisme tout en piétinant l’humain.

La religion du formalisme : "Ce n’est pas la bonne procédure"

Une autre figure du croyant hypocrite est celui qui, devant la dénonciation de l’injustice, oppose le mur glacé de la procédure. « Ce n’est pas la bonne manière. » « Il faut respecter les étapes. » « Ce que vous faites n’est pas conforme. » Comme si les victimes de l’injustice devaient attendre patiemment que les rouages de la bureaucratie ou les calendriers ecclésiastiques leur accordent enfin l’écoute. Comme si les cris des opprimés devaient être filtrés par des commissions, des statuts, des codes de conduite.

Ce légalisme spirituel est une trahison du message fondateur de toute religion digne de ce nom : celle qui met la personne humaine au centre, qui préfère la miséricorde au sacrifice, la vérité au confort institutionnel. Refuser de s’indigner parce que la forme dérange est, en soi, une forme d’inhumanité. On ne critique pas les cris de douleur sous prétexte qu’ils ne respectent pas le protocole.

Foi et hypocrisie : une tension ancienne, un défi contemporain

Ce clivage entre la foi authentique et la foi hypocrite n’est pas nouveau. Les prophètes d’Israël en faisaient déjà le constat : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi » (Isaïe 29,13). Jésus lui-même a passé une grande partie de sa vie publique à dénoncer les religieux légalistes qui imposaient des fardeaux aux autres sans les porter eux-mêmes.

Aujourd’hui encore, cette hypocrisie religieuse prend des formes modernes : prière au lieu de solidarité, silence au nom de la paix, fidélité aux normes au détriment de la justice. C’est une perversion de la foi, une trahison de l’Évangile, une injure à Dieu lui-même.

Vers une foi incarnée, subversive et courageuse

Face à cette hypocrisie, il est temps de rappeler que la foi véritable est toujours agissante. Elle ne se contente pas de paroles : elle agit. Elle se traduit par des gestes concrets, par des choix éthiques, par une solidarité active. Prier, oui, mais prier en marchant, en écoutant, en défendant, en accueillant. La prière qui n’engendre pas la justice est une prière morte.

Les véritables croyants ne se cachent pas derrière les murs de l’église ni les codes de procédure. Ils vont au-devant des blessés, ils pleurent avec ceux qui pleurent, ils se lèvent contre les puissants injustes, même si cela leur coûte leur confort ou leur réputation. Ils refusent de dissocier la spiritualité de la justice sociale, la prière de la lutte.

Conclusion

L’hypocrisie religieuse est une plaie ancienne mais toujours vivace. Elle se manifeste aujourd’hui dans des formes subtiles : prières sans engagement, procédures érigées en dogmes, silences justifiés par la "paix". Mais une foi sans courage est une foi sans Christ. Car celui qui a été crucifié ne s’est pas tu devant l’injustice. Il a pris position, au prix de sa vie.

À tous ceux qui disent : « Je prierai pour toi », qu’ils s’interrogent : cette prière m’invite-t-elle à agir ? À tous ceux qui disent : « Ce n’est pas la bonne manière de protester », qu’ils se demandent : existe-t-il une manière confortable de dénoncer l’injustice ? La foi vraie est celle qui dérange, qui bouscule, qui transforme..

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