Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 22 juillet 2025

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Reprocher la critique : une hypocrisie

Beaucoup reprochent à ceux qui dénoncent constamment les problèmes de ne voir que le négatif, les invitant à « regarder le positif ». Pourtant, ignorer les difficultés ne les fait pas disparaître. Parler des réalités, même difficiles, est essentiel pour avancer vers un changement réel et construire une société plus juste et équilibrée.

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Reprocher la critique : une hypocrisie

Dans nos sociétés contemporaines, il est fréquent d’entendre une certaine critique adressée à ceux qui s’expriment régulièrement sur les problèmes sociaux, économiques ou politiques. On leur reproche souvent de ne pas voir « le positif », d’être trop négatifs, voire de semer la discorde en insistant sur les difficultés. Pourtant, cette attitude critique envers la dénonciation des dysfonctionnements masque une forme d’hypocrisie profonde qui mérite d’être analysée.

La plainte contre la dénonciation : une censure déguisée

Lorsque certains demandent aux citoyens, journalistes ou activistes de « voir le bon côté des choses » au lieu de « toujours se plaindre », ils exercent en réalité une forme subtile de censure. Car rappeler les problèmes sociaux — qu’il s’agisse d’inégalités, de violences, de corruption ou de discriminations — est un acte essentiel pour provoquer des changements réels. Ignorer ou minimiser ces réalités ne contribue pas à l’harmonie sociale, mais plutôt à l’inaction et à la perpétuation des injustices.

Cette demande de positivité à tout prix traduit souvent un malaise face à la vérité qui dérange. Elle est une invitation implicite au silence, qui satisfait les intérêts de ceux qui bénéficient du statu quo. Ainsi, cette posture, bien que parfois présentée sous un angle bienveillant, devient une manière d’étouffer les voix critiques et de masquer les souffrances réelles.

L’importance de l’équilibre : ne pas nier le positif, mais ne pas occulter le négatif

Il est certes indispensable d’encourager une vision équilibrée de la réalité, qui inclut la reconnaissance des réussites, des progrès, et des aspects positifs de la société. Souligner ce qui fonctionne permet de renforcer l’espoir, de valoriser les initiatives vertueuses et d’inspirer des actions constructives. Cependant, cela ne peut se faire au détriment de la lucidité critique.

Voir le positif ne doit pas signifier fermer les yeux sur les problèmes, ni éviter d’en parler. Au contraire, c’est en confrontant sans complaisance les difficultés que l’on peut véritablement construire un avenir meilleur. La force d’un discours social ou politique réside dans sa capacité à allier réalisme et optimisme, à reconnaître les blessures tout en offrant des perspectives de guérison.

La dénonciation comme acte d’amour pour la société

Paradoxalement, insister sur les problèmes n’est pas une preuve de pessimisme, mais souvent d’engagement profond. Ceux qui prennent le risque de pointer les injustices et les dysfonctionnements le font parce qu’ils aiment leur pays, leur communauté, leur environnement. Ils aspirent à une société plus juste, plus équitable, plus humaine.

Dans ce sens, la critique est un acte d’amour — un appel à la responsabilité collective. Refuser de voir les difficultés, ou pire, reprocher aux voix critiques de les exprimer, revient à nier cette forme d’amour exigeante qui pousse à la transformation.

Vers une culture du dialogue sincère et constructif

La société gagnerait à dépasser l’hypocrisie de la plainte contre la dénonciation. Plutôt que de reprocher à ceux qui parlent des problèmes de ne pas voir le positif, il serait plus sage de s’engager dans un dialogue sincère où chaque réalité, bonne ou mauvaise, peut être abordée avec respect et lucidité.

Encourager à la fois la reconnaissance des progrès et la dénonciation des injustices, c’est bâtir une culture où la parole libre est valorisée, où la critique n’est pas un frein mais un moteur de progrès, et où l’espoir ne se nourrit pas d’illusions, mais d’une volonté partagée de changement.

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