L’Indonésie, garante de la sécurité d’Israël ?
L’annonce a surpris : le président indonésien Prabowo Subianto a déclaré que son pays pourrait reconnaître Israël — à une condition claire. Tel-Aviv devrait d’abord reconnaître officiellement l’existence d’un État palestinien. Plus encore, Prabowo est allé jusqu’à affirmer que l’Indonésie serait prête à « soutenir toutes les garanties de sécurité » pour Israël dans ce scénario.
Une promesse lourde de symboles, mais qui pose immédiatement une question simple : qui est l’Indonésie pour garantir la sécurité d’Israël ?
Une déclaration qui bouscule
L’Indonésie a toujours été l’un des plus ardents défenseurs de la cause palestinienne. Ne pas reconnaître Israël faisait partie de son identité diplomatique, au nom de la solidarité musulmane et du droit international. Qu’un président indonésien évoque publiquement la possibilité d’un rapprochement, même conditionnel, est déjà un changement de ton.
Mais en ajoutant cette idée de « garantie de sécurité », Prabowo a ouvert une brèche. Car le mot n’est pas neutre : une garantie de sécurité n’est pas une simple main tendue diplomatique. Elle suppose un engagement, parfois militaire, parfois politique, toujours contraignant.
L’Indonésie, puissance régionale… mais pas mondiale
Soyons clairs : l’Indonésie n’est pas une puissance militaire au Moyen-Orient. Elle n’a ni bases, ni alliances stratégiques solides dans la région, ni moyens logistiques pour intervenir en cas de menace contre Israël.
Sa force, c’est surtout sa voix diplomatique. Plus grand pays musulman du monde, membre influent du G20, l’Indonésie peut jouer le rôle de médiateur, de porte-voix du Sud global, d’avocat d’une paix juste. Elle peut contribuer à des missions de maintien de la paix, ou appuyer une solution négociée à l’ONU.
Mais imaginer Jakarta comme un bouclier militaire pour Israël relève de la politique fiction.
Un double jeu diplomatique ?
Alors, pourquoi Prabowo s’avance-t-il autant ? Sans doute pour se donner une stature internationale. Son discours peut être lu comme une offre conditionnelle : à Israël de faire un geste historique envers la Palestine, à l’Indonésie de répondre par une reconnaissance officielle et une caution symbolique de sécurité.
En somme : un échange de légitimité. Israël gagne un nouveau partenaire diplomatique majeur, l’Indonésie sauve son image de défenseur de la Palestine tout en apparaissant comme artisan de paix. Mais ce pari reste risqué.
À l’intérieur du pays, beaucoup pourraient percevoir cette promesse comme une trahison de la cause palestinienne. Pour les milieux musulmans conservateurs, soutenir une solution à deux États revient à légitimer les actions d’Israël jusqu’à présent. À l’extérieur, la communauté internationale pourrait bien sourire : Israël bénéficie déjà de garanties solides, notamment américaines. Que vaut, face à cela, la promesse de Jakarta ?
Pour les Palestiniens, la promesse de Jakarta pourrait rester une source d’inquiétude : garantir la sécurité d’Israël, même en condamnant le génocide à Gaza, pourrait apparaître comme insuffisant face aux attentes de solidarité. Beaucoup estiment que l’Indonésie gagnerait bien plus en légitimité et en influence en réclamant des sanctions, en initiant des enquêtes internationales ou en mettant Israël en cause à l’ONU, voire en soutenant son exclusion, plutôt qu’en se limitant à de simples déclarations diplomatiques.
Entre idéal et réalité
Prabowo mise sur un symbole. L’Indonésie, loin du conflit mais forte de son poids moral, veut montrer qu’elle ne se contente pas de condamner : elle est prête à proposer des solutions. Mais un symbole ne suffit pas toujours à peser dans un conflit où se croisent armées, puissances régionales et intérêts stratégiques mondiaux.
La vraie question est donc la suivante : Jakarta peut-elle être un arbitre crédible, ou risque-t-elle de se ridiculiser en promettant ce qu’elle ne peut pas tenir ?
Source :
https://www.jawapos.com/internasional/016608002/presiden-ri-prabowo-subianto-sebut-akan-jamin-keamanan-israel-jika-israel-akui-palestina