Indonésie : 1 300 journalistes perdus, la démocratie en silence
Plus de 1 300 journalistes ont perdu leur emploi en Indonésie au cours des trois dernières années. Derrière ce chiffre se cache un effritement silencieux de la presse indépendante, une onde de choc qui traverse les rédactions et laisse derrière elle un vide d’information et de vigilance. Les directions des grands médias justifient ces suppressions massives par la crise économique et la fuite des revenus publicitaires vers les géants du numérique. Mais réduire ces licenciements à un simple problème de finances serait aveugle à une réalité plus inquiétante : la transformation silencieuse de l’espace démocratique.
Une crise économique qui ronge les rédactions
La baisse des revenus publicitaires frappe durement les médias traditionnels. La majorité des recettes ont migré vers les plateformes numériques internationales, laissant les médias indonésiens lutter pour maintenir leurs bureaux et leurs effectifs. Face à ce déficit, les directions appliquent des mesures drastiques : fermetures de bureaux régionaux, fusion de départements, externalisation des tâches, et bien sûr, licenciements massifs. Dans ce contexte, la disparition de centaines de journalistes semble être une solution rapide pour équilibrer les comptes, mais le prix payé par la démocratie est immense.
L’IA, alibi ou menace pour le journalisme ?
L’intelligence artificielle, vantée comme outil d’efficacité et de modernisation, devient un prétexte pour remplacer le travail humain. Résumés automatiques, infographies générées, articles courts produits par machine : la technologie permet de réduire les coûts, mais au détriment de la nuance et de la profondeur journalistique. Si l’IA peut assister, elle ne peut pas remplacer le regard critique, l’investigation ou la vérification indépendante. Le risque est que cette automatisation serve de justification à de nouvelles vagues de licenciements, fragilisant un peu plus l’espace critique indispensable à une presse libre.
Silence et autocensure : les signes d’une démocratie qui s’éteint
Les conséquences de ces licenciements ne se limitent pas aux chiffres. La fermeture des bureaux régionaux et la perte de journalistes expérimentés provoquent un climat d’incertitude : ceux qui restent s’autocensurent, les enquêtes critiques se raréfient, et le pluralisme médiatique se contracte. La liberté de la presse recule non par la force ou la loi, mais par l’épuisement silencieux de ses acteurs. La modernisation économique masque alors une réalité inquiétante : la presse indonésienne s’éteint peu à peu, et avec elle, la vigilance démocratique.
Quand l’IA remplace le regard humain et que les rédactions se vident, le pays perd l’un de ses piliers essentiels. Le progrès économique et technologique ne doit pas devenir un instrument de muselage discret, car chaque journaliste licencié est une voix critique qui disparaît, et chaque bureau fermé un espace démocratique qui s’amenuise. L’Indonésie fait face à un choix crucial : continuer cette course à la rationalisation ou protéger la liberté de l’information avant qu’il ne soit trop tard.
Source :
https://jubi.id/dunia/2025/aji-demokrasi-indonesia-sedang-sakit-dan-jurnalis-dibungkam-dengan-cara-senyap/