Indonésie : paysans en colère
Hari Tani : réforme agraire, un chantier toujours ouvert
Chaque 24 septembre, l’Indonésie célèbre le Hari Tani, la Journée des paysans. Officiellement, c’est une journée de reconnaissance pour ceux qui nourrissent la nation. Mais derrière les discours et les photos officielles, la réalité est beaucoup moins festive.
La réforme agraire, attendue depuis des décennies, demeure inachevée. Ce qui révolte le plus, c’est que le prix du riz ne cesse d’augmenter, tandis que le niveau de vie, lui, stagne. La colère des paysans gronde et s’exprime désormais dans la rue, avec des manifestations organisées dans plusieurs villes, notamment dans la capitale devant le parlement.
Réforme agraire : les terres promises restent hors de portée
Depuis 1960, l’idée était simple : redistribuer les terres inexploitées ou trop concentrées entre les mains de quelques grands propriétaires afin de donner aux petits paysans la possibilité de vivre dignement de leur travail. Mais soixante-cinq ans plus tard, une grande partie de ces terres n’a jamais changé de mains. Les conflits fonciers se multiplient, souvent entre communautés rurales et entreprises, laissant les paysans dans une insécurité permanente. Sans titre foncier clair, ils sont vulnérables face aux pressions économiques et aux changements imposés par les projets industriels ou l’expansion des monocultures.
Frustration et mobilisation : les paysans réclament leur terre
La frustration des paysans est profonde et parfaitement compréhensible. Elle se manifeste à travers des mouvements sociaux, des manifestations, des campagnes et des recours juridiques. Leur voix, longtemps ignorée, commence à se faire entendre, rappelant à tous que l’accès à la terre n’est pas seulement un enjeu économique, mais une question de justice sociale et de survie.
Dans ce contexte, les six tuntutan tani, ou revendications paysannes, restent plus que jamais pertinentes. Les paysans réclament l’accès sécurisé à la terre et une véritable redistribution, un soutien économique pour pouvoir vivre de leurs cultures et vendre leurs produits à des prix justes, ainsi qu’une protection contre les expulsions et les accaparements. Ils appellent également au développement des infrastructures rurales pour améliorer l’accès à l’eau, aux routes et aux marchés, à la promotion d’une agriculture durable respectueuse de l’environnement, et à une participation réelle dans la gestion des terres et la prise de décisions concernant leur avenir.
L’urgence d’une réforme véritable
Le programme TORA, lancé en 2017, promettait de répondre à ces besoins en redistribuant des millions d’hectares et en modernisant les infrastructures rurales. La réalité montre cependant que les changements sont lents et que les ambitions butent sur de multiples contraintes, laissant la réforme agraire souvent plus symbolique que transformative.
Hari Tani, loin d’être une simple célébration, apparaît comme un avertissement : tant que l’accès aux terres reste incertain et que les conditions de vie des paysans ne s’améliorent pas, la colère rurale continuera de monter. Ces revendications ne sont pas abstraites ni idéologiques, elles touchent directement la sécurité alimentaire, l’équité sociale et l’avenir de millions de familles en Indonésie. La réforme agraire reste un défi ouvert, et sa réussite conditionnera durablement la justice et la stabilité dans tout l’archipel.
Source :
https://www.tempo.co/politik/serikat-petani-sampaikan-6-tuntutan-di-hari-tani-nasional-2072925