Oey Tamba Sia : le dandy criminel de Batavia et ses caprices légendaires
Au cœur de l’Indonésie coloniale du XIXᵉ siècle, Batavia — aujourd’hui Jakarta — bruisse des rumeurs et scandales d’un jeune héritier chinois qui allait devenir une légende noire : Oey Tamba Sia. Né en 1827 dans une famille fortunée, il hérite à quinze ans d’une fortune immense après la mort prématurée de son père, Oey Thai Lo, magnat du tabac et notable respecté de la communauté chinoise. Mais au lieu de suivre la voie de l’honneur et de la responsabilité, le jeune Oey choisit celle de la débauche et de la provocation.
L’héritier du faste
Dès sa majorité, Oey Tamba Sia s’impose comme le parangon du luxe et de l’extravagance. Ses demeures somptueuses s’emplissent de fêtes où les mets les plus raffinés côtoient le vin importé d’Europe et les danses de concubines en tenue chatoyante. Les chroniqueurs de l’époque décrivent des soirées interminables, illuminées par des lanternes et des bougies, où la musique traditionnelle chinoise se mêle aux airs européens, et où la haute société locale se laisse entraîner dans ses folies.
Les caprices amoureux et son harem légendaire
Oey Tamba Sia était célèbre pour ses liaisons tumultueuses et son harem, qui comptait plusieurs jeunes femmes choisies pour leur beauté et leur obéissance. Selon les récits, il ne se contentait pas d’accorder de l’attention à ses concubines : il organisait des concours absurdes pour déterminer laquelle recevrait ses faveurs ce soir-là, mettant ses serviteurs dans l’obligation de jouer les arbitres et les espions.
On raconte qu’un soir, irrité par la jalousie de sa favorite Mas Ajoe Goendjing, il fit enfermer toutes ses concubines dans un jardin illuminé pour une « soirée de parade » où chacune devait exécuter une danse et présenter son plus bel atout. L’événement, qui dura toute la nuit, se termina par un spectacle grotesque et humiliant, mais qui renforça sa réputation de tyran capricieux et extravagant.
Oey aimait également séduire les femmes des autres. L’une d’elles était l’épouse d’un petit commerçant. Fou de jalousie et de rage, le mari sombra dans la folie.
Rivalités et intrigues
Son arrogance et ses excès ne se limitaient pas à l’amour. Dans un accès de folie, il déféqua dans la rivière Ciliwung, qui traverse Batavia, et s’essuya avec des billets de banque. Les pauvres du quartier, attirés par cette manne insolite, se ruèrent pour récupérer l’argent flottant à la surface, transformant la scène en un chaos monstrueux et inoubliable.
Mais Oey Tamba Sia ne s’arrêtait pas là. Dans un accès de jalousie et de méfiance, il ordonna le meurtre de Sutedjo, le frère de sa concubine Mas Ajoe Goendjing, qu’il avait à tort cru être son amant. Il fut également l’instigateur de l’empoisonnement de son serviteur, Oey Tjeng Kie, dans le but de compromettre son rival Lim Soe Keng Sia, montrant ainsi l’étendue de sa cruauté et de sa ruse.
En parallèle, il jouait un jeu dangereux avec les autorités locales, notamment le Majoor Tan Eng Goan, père de son rival. Entre querelles familiales, intrigues politiques et scandales amoureux, Batavia se transforma en un véritable théâtre de trahisons, de manipulations et de tensions permanentes.
Une chute spectaculaire
Cependant, la fortune et l’arrogance ne suffisent pas à protéger Oey Tamba Sia. Ses crimes finissent par être découverts. Après une enquête minutieuse, il est arrêté et jugé. Le 7 octobre 1856, il est exécuté publiquement sur la place du Stadhuis, devant une foule médusée. Les journaux européens relaient la tragédie : le jeune dandy, roi du faste et de la manipulation, meurt de manière spectaculaire, laissant derrière lui un mythe sulfureux.
Une légende qui traverse les siècles
La vie d’Oey Tamba Sia devient un récit emblématique de la démesure et des excès de l’élite coloniale. Sa vie a inspiré quelques récits et pièces locales, servant d’avertissement contre l’arrogance et la cruauté. Mais au-delà de l’histoire d’un playboy criminel, il révèle les tensions sociales, politiques et culturelles d’une colonie où richesse et pouvoir pouvaient aisément se transformer en tragédie.
Oey Tamba Sia demeure aujourd’hui une figure emblématique de Batavia et de l’Indonésie coloniale : un homme dont les caprices, les passions, son harem et ses crimes ont marqué l’imaginaire collectif. Son histoire fascine autant qu’elle terrifie, offrant un aperçu de la société coloniale et de ses excès, à travers le portrait d’un héritier devenu légende.
Source :
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Oey_Tamba_Sia