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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 26 juillet 2025

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Prabowo et les 40 000 détenus : promesse ou illusion ?

En 2024, le président indonésien Prabowo Subianto annonçait la libération de 40 000 détenus pour alléger la surpopulation carcérale. Mais un an plus tard, les prisons restent surpeuplées à 180 % de leur capacité. Cette promesse, saluée comme un geste humanitaire, soulève des questions sur son efficacité réelle.

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Prabowo et les 40 000 détenus : promesse ou illusion ?

En 2024, Prabowo Subianto, président de l'Indonésie, a promis de libérer 40 000 détenus pour alléger la surpopulation carcérale du pays. Une annonce saluée comme un acte de clémence et de réforme.

Mais, un an plus tard, où en est-on ? Les prisons indonésiennes sont-elles devenues des modèles de réhabilitation, ou sont-elles toujours des fournaises humaines ?

La promesse : un geste humanitaire ?

Prabowo a justifié sa décision en évoquant la nécessité de réduire le nombre de détenus, notamment ceux incarcérés pour des délits mineurs ou liés à la drogue. L'objectif était de désengorger les prisons et de favoriser la réinsertion sociale. Une initiative louable sur le papier, mais qui semble avoir été mise en œuvre avec une efficacité discutable.

La réalité : des prisons toujours surpeuplées

Malgré cette promesse, la situation dans les établissements pénitentiaires indonésiens reste préoccupante. En mars 2025, selon le système de base de données pénitentiaires, la capacité totale des prisons et maisons d'arrêt était de 147 414 places, tandis que le nombre total de détenus était de 279 537, soit un taux de surpopulation de 180 %. Cette situation met en évidence l'incapacité à résoudre le problème de manière structurelle.

Les conséquences de la surpopulation

La surpopulation carcérale a des conséquences dramatiques. Elle entraîne une insuffisance des services de santé, une augmentation des tensions entre détenus, et une diminution de l'efficacité des programmes de réhabilitation. Les conditions de détention se détériorent, et les objectifs de réinsertion sociale deviennent de plus en plus difficiles à atteindre.

Les chiffres : où sont passés les 40 000 détenus libérés ?

Si Prabowo a promis la libération de 40 000 détenus, les données disponibles ne permettent pas de confirmer si cet objectif a été atteint. Les informations sur le nombre exact de libérations restent floues, et il est difficile de savoir si ces libérations ont réellement contribué à alléger la surpopulation ou si elles ont été compensées par de nouvelles incarcérations.

Une promesse en l'air ?

La promesse de Prabowo de libérer 40 000 détenus semble avoir été une mesure symbolique, sans impact réel sur la situation des prisons indonésiennes. La surpopulation reste un problème majeur, et les conditions de détention continuent de se détériorer.

Serge Atlaoui, ancien détenu français en Indonésie, a décrit dans une interview accordée à France 24 en 2017 les conditions difficiles en prison, évoquant notamment la promiscuité, l’hygiène déplorable et la lenteur des procédures judiciaires. Malgré les promesses de réforme, la situation semble inchangée.

Et ailleurs ? Le cas français comme miroir critique

La promesse de Prabowo, bien qu’ambitieuse, ne saurait être examinée isolément. Comparée à la France, souvent perçue comme un État de droit exemplaire, l’Indonésie révèle des dynamiques similaires dans la gestion pénitentiaire.

En France, au 1er juin 2025, on recensait plus de 77 000 détenus pour environ 60 000 places, soit un taux d’occupation de plus de 120 %, selon les chiffres du ministère de la Justice. Si ce chiffre reste inférieur à celui de l’Indonésie, il témoigne néanmoins d’une crise structurelle commune : l’usage excessif de l’incarcération, notamment pour des délits mineurs ou liés aux stupéfiants, au détriment de politiques alternatives fondées sur la réinsertion.

Là où la France multiplie les annonces de construction de nouvelles prisons, l’Indonésie, elle, promet des libérations massives. Deux stratégies, un même échec : aucune des deux ne s’attaque véritablement aux causes profondes de la surpopulation carcérale, ni ne remet en question un système pénal qui privilégie la répression à la prévention. Dans les deux cas, la dignité des personnes détenues reste reléguée au second plan.

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