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Billet de blog 26 septembre 2025

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La Rupiah face à trois décennies de dépréciation : l’inverse du Bitcoin

En trois décennies, la rupiah indonésienne a perdu une grande partie de sa valeur, passant d’environ 2 000 pour un dollar à plus de 16 000 aujourd’hui. À l’inverse du bitcoin qui s’est envolé grâce à sa rareté, la monnaie nationale illustre les fragilités d’un système soumis à l’inflation et à la dépendance au dollar.

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La Rupiah face à trois décennies de dépréciation : l’inverse du Bitcoin

Depuis le début des années 1990, la monnaie indonésienne, la rupiah (IDR), a traversé une lente mais constante érosion de sa valeur. Si le bitcoin est souvent décrit comme un actif rare dont le cours a été multiplié par plusieurs milliers depuis sa création en 2009, la rupiah représente une trajectoire inverse : au lieu de créer de la rareté, elle a accumulé de l’inflation et une perte de confiance progressive.

Une monnaie fragilisée par les crises

Au début des années 1990, 1 dollar américain valait autour de 2 000 rupiahs. Aujourd’hui, le même dollar s’échange pour plus de 16 000 rupiahs. Cela signifie que, sur une trentaine d’années, la monnaie nationale a perdu huit fois de sa valeur face au billet vert.

La crise asiatique de 1997-1998 fut un moment clé : la rupiah a plongé brutalement, passant de 2 500 IDR par dollar à plus de 16 000 en quelques mois. Cet épisode a marqué durablement la perception des investisseurs et des ménages.

Inflation chronique et dépendance au dollar

Cette faiblesse chronique reflète deux réalités structurelles :

  • une dépendance persistante à l’égard du dollar américain pour les échanges commerciaux et la dette extérieure ;
  • une inflation domestique qui, même si elle est aujourd’hui mieux contrôlée, a longtemps dépassé les standards internationaux.

La Banque d’Indonésie a multiplié les réformes pour stabiliser la monnaie, mais la perception reste que le rupiah est vulnérable, notamment face aux flux mondiaux de capitaux.

L’inverse du Bitcoin

Alors que le bitcoin est limité à 21 millions d’unités et a vu sa valeur exploser en un peu plus d’une décennie, la rupiah illustre l’effet opposé : une création monétaire continue, sans rareté, qui aboutit à une érosion constante du pouvoir d’achat.

En d’autres termes : le bitcoin est passé de quelques centimes à des dizaines de milliers de dollars. La rupiah, elle, a glissé dans le temps, nécessitant toujours plus d’unités pour acheter le même dollar ou la même marchandise importée.

Certains économistes décrivent ainsi la rupiah comme un « anti-bitcoin » : un actif monétaire qui, au lieu de s’apprécier, s’est divisé au fil du temps.

Conséquences pour la population

Pour les ménages indonésiens, cela se traduit par :

  • une érosion de l’épargne en monnaie locale ;
  • une dépendance accrue aux actifs réels (immobilier, or) et aux devises étrangères pour préserver la valeur ;
  • une difficulté structurelle à renforcer la confiance dans la monnaie nationale.

Perspectives

Le gouvernement et la Banque d’Indonésie tentent aujourd’hui de moderniser le système financier, de digitaliser les paiements et de renforcer les réserves en devises. Mais la tendance de fond reste une dépréciation sur le long terme.

À l’heure où certains pays explorent les monnaies numériques de banque centrale (MNBC), la rupiah pourrait trouver une seconde vie sous forme électronique. Reste à savoir si cela suffira à inverser la trajectoire historique.

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