Macron et Prabowo : quand la fraternité devient dilemme moral
Le 29 mai 2025, Emmanuel Macron a qualifié le président indonésien Prabowo Subianto de « frère » et lui a remis la Grand Croix de la Légion d’Honneur. Une cérémonie qui, sur le papier, célèbre l’amitié et la coopération entre la France et l’Indonésie. Mais derrière les accolades et les discours diplomatiques se cache un message plus subtil — et potentiellement inquiétant — sur la manière dont la France navigue dans un monde où les principes, comme les droits de l’homme, semblent parfois s’effacer devant les intérêts stratégiques.
Une fraternité stratégique
Macron et Prabowo partagent des points communs : une forte posture nationale, un accent sur la souveraineté et un intérêt marqué pour la puissance militaire. Macron, avec sa vision d’une « troisième voie » indépendante du poids américain et chinois dans l’Indo-Pacifique, voit en Prabowo un partenaire naturel pour consolider l’influence française dans la région. Les contrats militaires, l’achat de Rafale, de frégates et la formation militaire sont autant de pierres angulaires de cette relation.
Pourtant, cette fraternité soulève des questions éthiques. Prabowo, accusé par de multiples ONG de violations des droits humains dans sa carrière militaire passée, est célébré comme un partenaire stratégique. La diplomatie française, en lui décernant la Légion d’Honneur, semble relativiser ces accusations au nom d’un pragmatisme géopolitique.
Lien avec la récente Assemblée générale de l’ONU
Lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU, la question palestinienne a de nouveau été au centre des débats. La communauté internationale s’interroge : la solution à deux États est-elle un véritable espoir de paix ou simplement une racine supplémentaire de conflits futurs ?
La diplomatie française, représentée par Macron, se retrouve face à un paradoxe similaire à celui illustré par son geste envers Prabowo. Officiellement, la France soutient la solution à deux États, réaffirmant son engagement en faveur du droit international et des droits humains. Mais en pratique, Macron, tout comme avec Prabowo, choisit de privilégier la stratégie et les alliances, quitte à négliger certaines considérations morales.
Ainsi, le soutien à la solution à deux États peut être perçu comme ambigu : il offre une vision de paix mais reproduit les asymétries de pouvoir qui font la force des États dominants et la faiblesse des populations locales. De la même manière que la distinction donnée à Prabowo célèbre la coopération militaire tout en ignorant le passé controversé du général, la diplomatie sur la Palestine célèbre un compromis politique tout en laissant les causes profondes du conflit intactes.
Solution ou racine du problème ?
En Indonésie comme au Moyen-Orient, le calcul stratégique prend le pas sur les principes. Macron semble démontrer que la France peut se permettre de fermer les yeux sur certaines critiques éthiques au nom de l’influence et des intérêts géopolitiques. Le parallèle est frappant : tout comme la Légion d’Honneur accordée à Prabowo peut apparaître comme un message d’impunité, le soutien ambigu à la solution à deux États risque de devenir une nouvelle source de frustration et de conflit pour la population palestinienne.
La question qui se pose est alors : Macron et la diplomatie française jouent-ils un rôle stabilisateur ou contribuent-ils à l’enracinement des tensions ? La fraternité affichée avec Prabowo et le soutien officiel à une solution controversée en Palestine montrent que l’art de la diplomatie moderne repose de plus en plus sur la gestion des contradictions. Mais à quel prix pour l’éthique, les droits de l’homme et la paix durable ?
Conclusion
La relation Macron-Prabowo et les postures diplomatiques autour de la Palestine sont révélatrices d’un dilemme central de la politique internationale contemporaine : comment concilier intérêts stratégiques et valeurs universelles ? Les gestes symboliques — décorations, accords militaires, déclarations à l’ONU — peuvent masquer des tensions profondes entre pragmatisme et principes. Et si, à force de privilégier l’efficacité diplomatique au détriment de l’éthique, les grandes puissances finissaient par créer les crises qu’elles prétendent résoudre ?