Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 27 septembre 2025

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Quand la Pauvreté n’est pas le Fruit de la Paresse

On nous fait croire que travailler dur et économiser garantit la richesse. Illusion. La pauvreté n’est souvent pas le fruit de la paresse, mais d’un système qui choisit qui prospère. La meritocratie est un mythe : naître pauvre, c’est affronter un labyrinthe où l’effort seul ne suffit pas.

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Le Mythe de l’Autonomie : Quand la Pauvreté n’est pas le Fruit de la Paresse, mais du Système

Dans nos sociétés modernes, une idée persiste et se répand avec une force insidieuse : la pauvreté serait une conséquence directe du manque d’effort individuel, de la paresse, ou d’une mauvaise gestion personnelle. On nous répète sans cesse que « chacun est maître de sa destinée » et que le succès dépend uniquement de la volonté et du travail acharné. Pourtant, il serait naïf, voire dangereux, de croire en cette fable. La réalité est beaucoup plus sombre et plus complexe : pour beaucoup, la misère n’est pas une faute personnelle, mais une fatalité imposée par un système économique et social qui choisit qui doit prospérer et qui doit souffrir.

L’illusion du mérite

On nous vend le mérite comme le Saint Graal : si vous travaillez dur, vous réussirez. Mais qu’en est-il lorsque le système lui-même est conçu pour favoriser quelques-uns et maintenir les autres dans une lutte constante pour la survie ? Les structures économiques mondiales, les lois du marché, et même l’éducation sont calibrées pour créer une élite et un reste subordonné. Les travailleurs pauvres, les chômeurs chroniques, les familles monoparentales en difficulté : tous subissent des forces invisibles qui limitent leur mobilité sociale.

Affirmer que la pauvreté est le résultat de la paresse revient à blâmer la victime d’une injustice imposée. C’est ignorer les désavantages accumulés : écoles sous-financées, accès limité à la santé, discrimination, emplois précaires, coût exorbitant du logement. Quand un enfant naît dans un quartier défavorisé, il n’hérite pas seulement d’un nom et d’une culture, mais d’un ensemble de barrières invisibles mais réelles, qui détermineront largement son avenir.

L’illusion de la meritocratie : le travail acharné ne suffit pas

La société moderne adore raconter cette fable : si vous travaillez dur, vous accumulez des économies, vous investissez intelligemment, vous finirez par devenir riche. Mais les faits racontent une histoire bien différente. Rare sont ceux qui, en travaillant toute leur vie et en économisant chaque centime, parviennent à franchir le seuil de la richesse. Les marchés financiers, les cycles économiques, la fiscalité, l’inflation, et même la simple coïncidence jouent un rôle bien plus déterminant que l’effort individuel.

Cette idée de meritocratie masque une vérité dérangeante : la plupart des travailleurs, malgré des décennies de discipline et de sacrifices, restent dans la moyenne, tandis qu’une minorité, souvent née dans un milieu favorable, voit sa richesse se multiplier sans effort apparent. L’illusion de l’égalité des chances permet au système de se présenter comme juste, alors qu’il ne fait que légitimer des inégalités massives.

Travailler dur est louable, mais croire que cela garantit l’ascension sociale relève de l’utopie. La véritable richesse est souvent une combinaison de naissance, de réseau et de timing, non de seule persévérance. Ceux qui dénoncent cette réalité sont accusés de cynisme ou de paresse, alors que le véritable scandale réside dans la mécanique implacable d’un système qui favorise quelques-uns et condamne la majorité à une existence de précarité relative.

La malédiction de l’inégalité

Le paradoxe cruel de nos sociétés est que, tandis que certains jouissent d’une abondance presque insensée, d’autres luttent pour survivre, non pas par choix mais par nécessité. La pauvreté devient alors une malédiction systémique : elle enferme les individus dans un cercle vicieux où le manque de ressources entraîne le manque d’opportunités, ce qui engendre encore plus de pauvreté. La société glorifie le succès et stigmatise l’échec, créant ainsi une illusion morale où les riches semblent vertueux et les pauvres coupables.

Mais la vérité dérangeante est que la prospérité n’est pas proportionnelle à l’effort : elle est proportionnelle à l’accès aux bonnes cartes dès le départ. Un enfant né dans une famille aisée a accès à l’éducation, aux réseaux et aux expériences qui lui ouvrent des portes que d’autres ne verront jamais. La pauvreté, quant à elle, n’est pas un choix, mais un labyrinthe dont le système a verrouillé les issues.

L’urgence d’une remise en question

Il est temps de briser le mythe du mérite absolu et de reconnaître que la pauvreté, pour beaucoup, est imposée par un système inégal et implacable. Le bonheur et la sécurité financière ne devraient pas dépendre de la chance de naître dans le « bon » quartier ou dans la « bonne » famille. La société doit repenser ses priorités : redistribution des richesses, accès universel à l’éducation et à la santé, protection contre la précarité. La véritable justice sociale ne consiste pas à punir ceux qui n’ont rien, mais à créer un système où chacun a réellement la possibilité de prospérer.

La misère n’est pas une faute morale. Elle est le reflet d’un système qui choisit ses vainqueurs et ses vaincus. Et tant que cette vérité ne sera pas assumée, nous continuerons à vivre dans une société qui célèbre l’abondance de quelques-uns tout en condamnant la pauvreté des autres comme un choix personnel.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.