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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 28 septembre 2025

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Judol : un poison plus redoutable que la drogue ?

En Indonésie, le judol, ce jeu en ligne addictif, frappe surtout les classes moyennes‑inférieures déjà fragilisées par la crise économique. Entre promesses illusoires de richesse, manipulation par l’intelligence artificielle et spirale de dettes, ce fléau numérique détruit les foyers comme une drogue, mais en plein jour.

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Judol : un poison plus redoutable que la drogue ?

En Indonésie, le jeu en ligne, qu’on appelle judol, s’installe comme une véritable plaie sociale. On en parle parfois comme d’un simple divertissement coupable, mais il serait plus juste de le voir comme une dépendance collective, une drogue numérique qui se propage plus vite que la cocaïne et qui ronge lentement les tissus sociaux. Il ne s’agit pas seulement de quelques individus faibles, mais d’un phénomène massif, alimenté par une économie en crise et des promesses mensongères.

Les chiffres disent tout : près de quatre-cinquièmes des victimes viennent des classes moyennes inférieures, celles qui souffrent déjà le plus de l’inflation, du chômage informel, de la précarité croissante. Là où les prix flambent et où les revenus stagnent, le judol apparaît comme une échappatoire, une promesse de solution rapide à des problèmes insolubles. On joue comme on achète un ticket de sortie de la pauvreté, mais c’est en réalité un aller simple vers un gouffre financier.

La perversion de ce système tient aussi à la manière dont il est promu. Vidéos truquées par intelligence artificielle, publicités mensongères, influenceurs dont l’image est manipulée pour convaincre les plus vulnérables que la fortune est à portée de clic. Les titres racoleurs promettent un avenir doré, une liberté immédiate, mais derrière l’écran se cache la mécanique glaciale d’un bandit manchot numérique conçu pour ne jamais perdre. C’est le même piège psychologique que celui des dealers : une première dose gratuite, puis la spirale.

Et les conséquences sont visibles dans les foyers. Des familles entières ruinées, des dettes accumulées, des enfants sacrifiés, des repas supprimés pour miser encore. L’argent des aides sociales, censé assurer une survie minimale, part parfois directement dans ces plateformes. On ne parle plus ici d’un simple vice mais d’une crise sociale qui rivalise avec la drogue en termes de destruction. La différence, c’est que la drogue reste illégale et réprimée, tandis que le judol circule librement sur les téléphones, dans la poche de chacun, normalisé par l’algorithme et l’indifférence des autorités.

C’est peut-être là que le danger est le plus grand : sa banalité. On ne se cache pas pour miser, on ne se sent pas criminel, et c’est précisément ce qui permet à l’addiction de s’ancrer profondément. Chaque perte pousse à rejouer, chaque illusion de gain entretient l’espoir. La spirale est infinie, et avec elle la désintégration des foyers, des relations, de la confiance.

On voudrait croire que ce n’est qu’une mode, qu’un jour la vague passera. Mais en réalité le judol s’alimente d’un désespoir structurel : tant que l’économie restera inégalitaire, tant que la classe moyenne inférieure sera acculée, tant que l’État laissera ces plateformes prospérer, l’addiction ne disparaîtra pas. C’est un cercle vicieux où l’appauvrissement nourrit le jeu, et le jeu renforce l’appauvrissement.

Il faut oser le dire clairement : le judol est aujourd’hui aussi dangereux que la drogue, sinon plus, parce qu’il détruit à visage découvert, avec l’aval implicite d’une société trop occupée pour s’en inquiéter. Derrière les écrans lumineux qui promettent l’aisance, c’est une génération entière qui risque d’être engloutie par cette illusion numérique.

Source :

https://www.jalin.co.id/id-id/berita/blog/indonesia-darurat-judi-online-simak-penyebab-dan-solusi-yang-dapat-diterapkan

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