Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

484 Billets

0 Édition

Billet de blog 29 juillet 2025

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Indonésie et la reconnaissance française de la Palestine : enjeux et réactions

Le 24 juillet 2025, la France a officiellement reconnu l’État de Palestine, un geste salué par le gouvernement indonésien, fervent soutien de la cause palestinienne. Cependant, une partie des musulmans conservateurs en Indonésie reste méfiante, en raison de la réputation controversée du président Macron et des doutes sur les véritables intentions de Paris.

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Indonésie et la reconnaissance française de la Palestine : enjeux et réactions

Le 24 juillet 2025, le président Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait officiellement l’État de Palestine lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies en septembre. Cette décision historique fait de la France le premier pays du G7 à franchir ce pas diplomatique majeur. Elle relance le débat mondial autour de la solution à deux États, en particulier dans les pays du Sud global où la solidarité avec la Palestine demeure une constante politique et morale. En Indonésie, cette décision française a été perçue comme un signal fort, salué tant par les autorités que par une large partie de la société civile.

Soutien officiel et volonté diplomatique

Le ministère des Affaires étrangères indonésien a réagi dès le 26 juillet par un communiqué officiel saluant cette initiative. Selon le ministère, la reconnaissance française est une contribution positive pour parvenir à un règlement équitable du conflit israélo-palestinien. Jakarta réaffirme son attachement à une solution fondée sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien, conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies. Le gouvernement indonésien appelle également les pays qui n’ont pas encore reconnu la Palestine à suivre l’exemple de la France.

Cette position s’inscrit dans une continuité diplomatique bien ancrée. Depuis des décennies, l’Indonésie défend les droits du peuple palestinien dans toutes les enceintes internationales. Le soutien à la Palestine n’est pas seulement un enjeu géopolitique, mais aussi une question morale et religieuse qui transcende les clivages politiques internes.

Relations avec Israël : la reconnaissance de la Palestine comme condition préalable

Lors d’une visite officielle en Indonésie en mai 2025, le président français Emmanuel Macron et son homologue indonésien Prabowo Subianto ont signé une déclaration conjointe en neuf points, réaffirmant leur soutien à l’indépendance palestinienne et appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à un accès humanitaire sans entrave et à l’arrêt des annexions israéliennes.

Dans cette déclaration, l’Indonésie s’est également dite prête à ouvrir des relations diplomatiques avec Israël, à condition que celui-ci reconnaisse d’abord la souveraineté de la Palestine. Cette prise de position, inédite de la part d’un président indonésien, a suscité à la fois des encouragements et des débats au sein de la société.

Réactions populaires : entre solidarité et méfiance

Sur le plan intérieur, la reconnaissance de la Palestine par la France a renforcé le sentiment de solidarité au sein de la population indonésienne. Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, des milliers d’Indonésiens ont manifesté leur soutien au peuple palestinien dans les rues de Jakarta, Surabaya, Makassar et d’autres grandes villes. Les prières collectives, les collectes de fonds et les campagnes médiatiques ont illustré une mobilisation constante. La décision française a donc été accueillie avec enthousiasme, beaucoup y voyant une victoire morale internationale.

Cependant, cette reconnaissance a aussi suscité une certaine méfiance, en particulier chez les musulmans conservateurs indonésiens. Ces derniers voient d’un œil critique le rôle de Macron, figure jugée controversée en raison de ses politiques laïques et de ses prises de position parfois perçues comme hostiles à l’islam. Pour eux, la reconnaissance française ne suffit pas à effacer les tensions passées et la prudence demeure quant aux véritables intentions de Paris.

Soutiens prudents face au risque d’un geste symbolique

Certains observateurs redoutent que cette initiative ne relève davantage du symbole que d’un véritable engagement en faveur de la cause palestinienne. Les grandes organisations islamiques indonésiennes ont adopté une position mesurée. Nahdlatul Ulama (NU) a salué l’exigence de reconnaissance préalable de la Palestine, tandis que le Majelis Ulama Indonesia (MUI) a mis en garde contre toute normalisation hâtive sans garanties réelles pour les droits palestiniens.

Sur les réseaux sociaux et dans les forums, les réactions sont partagées. De nombreux internautes soutiennent prudemment la solution à deux États, tout en soulignant que la question palestinienne ne doit pas être exploitée à des fins politiques.

Enjeux stratégiques et perspectives internationales

Dans une analyse plus large, la décision française offre à l’Indonésie une occasion stratégique. En renforçant ses liens diplomatiques avec la France sur la question palestinienne, Jakarta pourrait accroître son influence dans les forums internationaux, en particulier au sein de l’Organisation de la coopération islamique et du Mouvement des non-alignés. L’Indonésie pourrait également se positionner comme médiateur dans une future relance des négociations israélo-palestiniennes, à condition de maintenir une ligne diplomatique cohérente.

Plus de 140 États membres de l’ONU reconnaissent aujourd’hui la Palestine comme État. Mais peu de pays occidentaux, en dehors de la Suède, de l’Espagne, de l’Irlande, de la Norvège et désormais de la France, ont franchi ce pas. Le geste français, s’il est suivi par d’autres, pourrait marquer un tournant dans le rapport de forces diplomatique au Moyen-Orient.

L’Indonésie, de son côté, affirme qu’elle n’établira de relations avec Israël que lorsque ce dernier reconnaîtra pleinement la Palestine. Cette position offre une double lecture : elle exprime à la fois une fermeté diplomatique et une ouverture conditionnelle qui pourrait faciliter des évolutions futures sans rupture avec l’opinion publique.

Conclusion

La reconnaissance par la France de l’État de Palestine a trouvé un écho profond en Indonésie, tant au niveau institutionnel que populaire. Elle conforte la stratégie diplomatique de Jakarta, renforce la solidarité morale du pays avec la cause palestinienne, tout en posant des jalons pour un engagement international plus structuré.

Reste à voir si d’autres grandes puissances suivront ce chemin, et si la dynamique diplomatique actuelle pourra se traduire par des avancées concrètes pour le peuple palestinien.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.