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Billet de blog 30 septembre 2025

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Césium-137 à Banten : quand la réalité radioactive dérange le récit officiel

Indonésie : La découverte de césium-137 dans six dépôts de ferraille à Banten rappelle combien la radioactivité s’invite là où nul ne l’attend. Entre crevettes exportées contaminées, camions blindés et promesses officielles, l’épisode révèle moins un accident qu’un aveu : le contrôle échappe à ceux qui prétendent l’exercer.

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Césium-137 à Banten : quand la réalité radioactive dérange le récit officiel

Le césium-137 n’apparaît pas souvent dans les journaux indonésiens. Et pourtant, le voilà devenu protagoniste malgré lui, installé à Cikande, dans la province de Banten. Six zones de stockage de ferraille y ont été placées sous surveillance après la découverte d’une contamination radioactive. La scène n’a rien d’une fiction : 700 kilos de matériaux chargés d’isotopes dangereux ont été déplacés sous escorte, comme une cargaison précieuse qu’on protège non pas pour sa valeur, mais pour son potentiel de nuisance.

Le plus ironique, c’est que l’histoire ne commence pas à Banten. Elle s’ouvre à l’étranger, avec une cargaison de crevettes destinées aux États-Unis. Là, dans les laboratoires de contrôle sanitaire américains, le césium-137 s’est invité à table. Des crustacés transformés malgré eux en sirènes d’alerte, révélant ce qu’aucune inspection locale n’avait vu ou voulu voir. L’alerte n’est donc pas née d’une vigilance nationale, mais d’une humiliation internationale : on exporte des produits, on reçoit en retour un diagnostic de contamination nucléaire.

Depuis, l’appareil d’État s’est mis en marche. Task force, conférences de presse, transferts de ferraille dans des camions blindés, mobilisation de l’armée et d’agences spécialisées. La mise en scène est impeccable : des experts en combinaison, des instruments qui clignotent, des chiffres rassurants débités d’un ton docte. On annonce même des plantations de tournesols, comme si la nature allait réparer avec élégance les défaillances humaines. Le langage officiel se veut rassurant, presque solennel. Mais derrière cette orchestration, demeure une évidence gênante : le césium-137 n’obéit pas aux effets d’annonce. Sa demi-vie est de trente ans. Les plantes ne font pas disparaître l’atome. Et l’illusion de contrôle se heurte à une réalité que ni la rhétorique ni les flashs des photographes ne peuvent effacer.

Reste alors la question de l’origine. D’où vient cette ferraille contaminée ? Hypothèse nationale : une industrie locale qui manipule mal ses déchets. Hypothèse internationale : des résidus radioactifs importés clandestinement, déversés sans contrôle. Les autorités elles-mêmes reconnaissent cette possibilité, tout en se gardant d’avancer trop vite une conclusion qui impliquerait des responsabilités lourdes. On préfère évoquer « l’enquête en cours », formule passe-partout qui apaise les esprits et repousse les débats.

Le discours officiel insiste : les niveaux mesurés ne dépassent pas les seuils, les conditions environnementales sont sûres, la population peut vaquer à ses occupations. Mais entre l’assurance affichée et la réalité invisible, il y a un espace de doute que personne ne peut combler. Car l’histoire nucléaire enseigne une leçon simple : le danger ne se manifeste pas toujours immédiatement. La contamination avance masquée, ses effets se mesurent à long terme, et le coût sanitaire se révèle parfois bien après que les projecteurs se sont éteints.

Ce scandale n’est donc pas qu’une affaire de ferraille radioactive. C’est un miroir de gouvernance. Il révèle la distance entre un appareil bureaucratique prompt à produire du récit et un terrain où le contrôle est lacunaire. La contamination de Banten est moins un accident qu’un symptôme : celui d’un système où la vigilance se déclenche une fois que le monde extérieur a levé le voile. Comme si le problème n’existait que lorsqu’il franchit les frontières et menace l’image nationale.

On peut déplacer les barres de métal, réduire les mesures en microsieverts, aligner les ministres sur le terrain. Mais la question fondamentale reste entière : comment du césium-137 s’est-il retrouvé dans un dépôt de ferraille ordinaire ? Tant que cette interrogation ne reçoit pas de réponse claire, chaque assurance officielle sonne comme un rideau de fumée.

À Banten, on nous dit que la situation est « sous contrôle ». Peut-être. Mais l’atome, lui, se moque des communiqués. Il poursuit son œuvre silencieuse, implacable. Et ce silence-là, aucune conférence de presse ne parvient à le couvrir.

Source :

https://en.tempo.co/read/2051549/six-areas-in-west-javas-banten-contaminated-by-cesium-137-radiation

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