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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 30 septembre 2025

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Les Indonésiens sont-ils vraiment « moins intelligents » ?

Réduire l’intelligence d’un peuple à un simple chiffre est une erreur dangereuse. En plaçant l’Indonésie à 79 de QI moyen, certains classements entretiennent un cliché injuste. Ce score révèle moins une faiblesse intellectuelle qu’un contexte marqué par la malnutrition, les inégalités et les limites du système éducatif.

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Les Indonésiens sont-ils vraiment « moins intelligents » ?

Chaque fois que paraissent des classements internationaux du quotient intellectuel, l’Indonésie se retrouve dans les dernières positions. Certains rapports avancent même un chiffre précis : un QI moyen de 79, c’est-à-dire en dessous du seuil conventionnel de 85 considéré comme la limite de la « normalité » cognitive. Le constat est brutal et semble confirmer un cliché tenace : les Indonésiens seraient, dans leur ensemble, moins intelligents que les autres peuples. Mais derrière ce nombre se cache une réalité infiniment plus complexe.

Le QI, d’abord, n’est pas une vérité absolue mais un indicateur partiel. Conçu pour mesurer des aptitudes spécifiques comme le raisonnement abstrait et la mémoire de travail, il ignore des dimensions essentielles de l’intelligence humaine, telles que la créativité, l’intelligence émotionnelle ou la sagesse pratique. Un score de 79 n’est pas la preuve d’une déficience collective : il traduit surtout les conditions de vie dans lesquelles une population grandit et apprend.

Si l’Indonésie apparaît si bas dans ces classements, c’est parce que de nombreux facteurs structurels pèsent sur le développement cognitif. Le système éducatif, bien que massivement étendu depuis deux décennies, reste inégal en qualité, particulièrement dans les zones rurales où les enseignants manquent de formation et de moyens. La malnutrition infantile, qui touche encore près d’un tiers des enfants, entraîne un retard de croissance et affecte durablement le cerveau. Les inégalités sociales accentuent encore l’écart entre une élite urbaine qui bénéficie d’un enseignement de qualité et une majorité qui doit se contenter du minimum. Enfin, il faut rappeler que ces tests ont été conçus selon des références occidentales et ne reconnaissent pas des formes d’intelligence qui, en Indonésie, sont fondamentales : la débrouillardise, le sens communautaire, la capacité d’adaptation à un environnement imprévisible.

Certains présentent des méthodes comme le Brain Gym, qui visent à renforcer la concentration et la mémoire par des exercices cérébraux, comme une réponse possible à ce déficit apparent. Ce type d’approche peut être utile, en particulier dans les écoles, pour éveiller chez les élèves une conscience de leur potentiel cognitif. Mais croire qu’il suffirait de pratiquer Brain Gym pour faire passer le QI national de 79 à 100 relève de l’illusion. Tant que les questions de nutrition, de formation des enseignants, d’accès équitable à l’éducation et de réduction des inégalités sociales ne seront pas résolues, l’effet restera limité.

Un QI moyen de 79 ne doit donc pas être lu comme une sentence définitive sur l’intelligence d’un peuple, mais comme un signal d’alarme sur les conditions dans lesquelles se développe ce peuple. L’intelligence n’est pas une essence figée mais une potentialité. Elle s’épanouit ou s’étiole selon l’environnement, et c’est bien là que réside le véritable enjeu pour l’Indonésie : créer les conditions où chaque citoyen pourra développer pleinement ses capacités.

Qualifier les Indonésiens de « parmi les plus bêtes du monde » n’a aucun fondement scientifique. Ce genre de formule ne fait qu’alimenter des préjugés. La vérité, c’est qu’avec des réformes audacieuses dans la santé et l’éducation, l’Indonésie pourrait rapidement démontrer que derrière ce chiffre de 79 se cache une intelligence collective prête à s’affirmer, à condition qu’on lui donne les moyens de s’exprimer.

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