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Djalila Dechache

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Billet de blog 6 octobre 2021

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Célimène, Création, conte de fée pour fille d’immigrante

La morale de ce conte dit que : « les exilés ne cheminent pas dans la vie en ligne droite, comme les serpents ils cheminent en zig-zag, en détours. Il leur faut souvent muer pour regarder l‘avenir et abandonner leur ancienne peau comme Liya ».

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Célimène, conte de fée pour fille d’immigranteCréation, mise en scène de Philip Boulay, texte d’Edwige Danticat, avec Albertine M.Itela, Le LOCAL Théâtre / Paroles en actes, 18 rue de l ‘Orillon Paris 11 ème, www.le-local.net, téléphone 0146361189, du 1er au 18 octobre 2021, durée 1h, spectacle tout public et jeune public en famille ou en groupe (enfants dès 9 ans).

C’est par un conte que la saison théâtrale de la Wor(l)ds…Cie de Philip Boulay reprend le chemin du spectacle vivant. Un conte enchanteur où la dure réalité vient cogner, comme l’est son titre, venu d’Haïti par l’auteure américano-haïtienne Edwige Danticat.

Illustration 1

Ce conte débute avec des éléments de la propre histoire de l'auteure en utilisant le storytelling : « Je crois être devenue écrivaine parce qu'on m'a raconté des histoires. D'abord ma mère Rose, qui avait quitté le pays natal, Haïti, pour les États-Unis quand j'avais quatre ans. Elle m'avait confiée à un oncle et à sa femme. La mère de cette dernière, Grannè Mélina, quand elle ne racontait pas des histoires, elle était toujours triste et malheureuse. Une fois à l'école en Haïti, j'ai appris en lisant que des inconnus pouvaient me raconter des histoires. Plus tard, à l'âge de douze ans, quand je suis allée retrouver mes parents aux États-Unis, j'ai appris que je pouvais, en écrivant, raconter moi-même des histoires. J'écris aujourd'hui pour cette jeune immigrante que j'étais à douze ans, cette fille qui se cherchait dans les livres. J'écris pour mes fille Mira et Leila, qui seraient considérées comme des immigrantes dans mon pays natal si elles devraient un jour choisir d'y vivre. Ce conte s'inspire d'une vieille chanson folklorique haïtienne qui raconte l'histoire d'une jeune et belle paysanne du nom de Célimène…».   

 L’Histoire

« Célimène, orpheline, vit avec son frère cadet Mo. Ils ont vu leurs parents mourir, ensevelis sous un glissement de terrain. Fille de paysans, elle connaît tous les secrets des rivières, des plantes et des animaux. La vie suit son cours jusqu'à ce que survienne Zaken, chef de village voisin qui la demande en mariage. Elle quitte alors son village natal pour suivre son prétendant. Célimène vit là-bas de multiples aventures, et aussi quelques surprises. Par ailleurs, Zaken entretient une relation mystérieuse avec Liya, un anaconda femelle ». Cet animal lui a été offert par son   " hougan ", son  conseiller spirituel  lors de son treizième anniversaire suite au rite de passage de l‘âge adolescent à l‘âge adulte. Il lui prédit que Liya en grandissant développera des qualités humaines. Et c’est ce qui arrivera…

Le mariage entre Célimène et Zaken, se fait dans la fête et la liesse, il durera comme il se doit trois jours et trois nuits.

Avant d’entrer dans leur logis, ils font sept fois le tour de leur maison soit un tour par jour de la semaine puis ensemble, ils allument leur premier feu au centre du cercle. Cet acte partagé du feu allumé ensemble scelle leur union, plus puissant qu‘un contrat de mariage, plus concret qu'une signature.

Peu à peu Célimène fait la différence entre la solitude pendant que son mari part travailler et la fête que lui font les aînés lorsqu'elle est invitée dans la famille de son mari. Elle ressent alors ce que signifie la séparation d’avec la maison de son enfance, devient nostalgique… Pour survivre, elle apprend à se battre et se construit un espoir. Elle découvre ainsi ce qu'est l'exil : changer de pays, changer de peau non pour autant disparaître mais plutôt continuer.

La morale de ce conte dit que : « les exilés ne cheminent pas dans la vie en ligne droite, comme les serpents ils cheminent en zig-zag, en détours. Il leur faut souvent muer pour regarder l‘avenir et abandonner leur ancienne peau comme Liya ».

Les ingrédients du conte sont réunis afin de faire rêver les enfants et écarquiller leurs yeux mais aussi pour les adultes qui peuvent y voir des éléments de ce que fut le monde à sa naissance, au temps où hommes et animaux vivaient ensemble en paix.

Ce travail de collecte auprès de sa famille, grand-mère et tante a-t-elle dit et de restitution effectué par Edwige Danticat est utile à l‘ensemble du corpus des contes de l‘humanité afin de ne pas oublier et de se remémorer.

 La mise en scène et Albertine M.Itela

 Avec sa mise en scène épurée, savamment construite, tellement efficace avec de petites choses si importantes : un rapport scène-salle fonctionnant à merveille pour le conte, de petites lumières formant un cercle au sol, une bougie au centre, d’autres lumières accrochées au plafond, un tabouret et la comédienne convaincante, à la voix bien posée, diction parfaite, au visage lisse et juste, évolue par petites touches au gré de souples fondus-enchainés. Elle chante et danse aussi.

Le son également est a signaler autant pour le bruitage que pour la musique où l’on semble reconnaître le si beau Saudade de Césaria Evoria qui bien que native du Cap-Vert trouve résonnance pour la terre d’Haïti et bien plus encore.

On imagine volontiers une nature luxuriante abondante, le bruissement des hautes herbes, des fruits à portée de mains, un Eden perdu comme l‘enfance, comme l‘insouciance, un monde de croyances qui font du bien où chacun avait une place…

Pour connaître Haïti on peut s’y rendre bien sûr mais on peut aussi assister à une représentation de ce beau spectacle tout en finesse et subtilité proposé par Philip Boulay et Albertine. Et l‘on apprend beaucoup. On ressent un enchantement en sortant du théâtre.

Edwidge Danticat • Office for Global Education • Purchase College

purchase.edu

Ils nous font découvrir une merveilleuse auteure d’une richesse magnifique qui écrit aussi pour la jeunesse.

Une grande dame de la littérature qui a été couronnée notamment par pas moins de quinze distinctions, autant de prix dont le Neustadten 2018 pour l‘ensemble de son oeuvre, ce prix équivaut au Nobel de la littérature aux USA.

 Son œuvre est traversée par le thème de l’exil et de la migration, les mythes et les croyances. De ce fait, elle réussit à faire bouger les lignes de connaissance de son pays.

 Toni Morrison la considérait comme une grande auteure contemporaine. Ses livres sont traduits en français et édités chez Grasset.

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