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Djalila Dechache

Auteure, chercheure sur l 'Emir Abdelkader l 'Algérien, Kateb Yacine et le théâtre arabe.

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Billet de blog 7 avril 2023

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Jazya et Dhiab une épopée arabe, Nora Aceval Editions AMKA, 2022,95 p.

La geste hilalienne, Al - Sira al - Hillaliya » est un poème épique populaire, de tradition orale narrant la vie et la migration d’un groupement de tribus arabes nomades, Les Banu Hilal.

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La geste hilalienne, Al - Sira al - Hillaliya » est un poème épique populaire, de tradition orale, narrant la vie et la migration d’un groupement de tribus arabes nomades, Les Banu Hilal. « Les fils du croissant », ou Hilaliens, natifs du Nejd en Arabie, ont été envoyés par le pouvoir fatimide du Caire jusqu’en Ifriqiya (actuels Tunisie et Algérie, considérés à l‘époque comme « l‘une des portes du Paradis ») au XI ème siècle, afin de conquérir cette terre si proche et de l’affilier au pouvoir d’Egypte.C’est d‘ailleurs dans ce pays où elle subsiste encore aujourd’hui par des musiciens chanteurs, joueurs de Rebab. En Algérie, ces fragments sont toujours narrés par des conteurs et des conteuses, notamment par une conteuse renommée Haja Zahra Bouchareb, de la zaouïa éponyme, qui  a transmis en 2002, un long poème épique en prose à Nora Aceval lorsqu’elle collectait à travers l‘Algérie des contes pour sa recherche universitaire.


« Où est la tribu des Bnou Hilal, sa trace subsiste-t-elle ? »


Nora Aceval au parcours de chercheure, de transmetteuse, de conteuse  et de poète livre l‘histoire de Jazya et Dhiab.

(c)Nvihung

Bien plus qu‘une histoire d’amour contrariée de deux héros magnifiques, ce «  fragment d’une épopée arabe » poétique et tragique dans sa version algérienne en 3 parties, présente des personnages emblématiques qui chacun de leur côté se sont battus contre les éléments naturels, désert, sécheresse, contre des événements liés à la Taghriba ( la migration vers l’ouest) pour exister et faire  face à la tension d’avec les tribus berbères islamisées depuis le VII ème siècle sur le sol d’Ifriqiya.
Les Hilaliens ont longtemps pâti d’une mauvaise presse insufflée par des orientalistes y compris par Ibn Khaldoun qui les avait comparés à « des sauterelles détruisant tout sur leurs passages », ceci fut appliqué par la suite à l‘ensemble des arabes, insistant sur leur caractère rustre et guerrier. 
Or les Hilaliens sont des arabes et à ce titre sont dépositaires d’une culture utilisant la poésie érigée en art pour s‘exprimer, les symboles, la comparaison, l’éloge, le thrène, le panégyrique, le ghazal pour ne citer que ces genres, le proverbe et hérités des poètes d’avant l’islam. La rencontre avec les Berbères a fait le reste, donnant lieu à un tissage poétique des plus originaux et des plus vivaces.Cette geste a alimenté et alimente encore l’imaginaire maghrébin et égyptien.
Dans ce cadre, on peut retenir l‘histoire « La partie d’échecs », p 71, le passage où Dhiab enferma dans une caisse un couple de pigeons avec le mâle qui s ‘envola seul dans la pièce dès que la caisse fut ouverte par Jazya, prisonnière du roi, tandis qu’à la femelle, il manquait des plumes. Le message est clair.
Nora Aceval a laissé volontairement des anachronismes par ce qu’elle a laissé la place à l’interprétation faite ici et là, selon les régions et les pays.
Très plaisant à lire et à entendre, ce petit livre aux grandes vertus nous plonge vers un univers historique et moderne dont le contenu nous enseigne beaucoup de choses.
Les éditions Amka publient de la poésie pour être lue, projet éditorial « né de l’accompagnement sur le long terme d’artistes du spectacle vivant qui font entendre contes, mythes, épopées, cosmogonies… L’écriture orale donne un souffle aux livres publiés : des livres nourris de symboles qui élargissent l’horizon sur les cultures du monde, où il est aussi question de transmission et de merveilleux ».

Une version français-arabe aurait été sans doute très appréciée dans ce bel ouvrage en papier vélin à reliure suisse, cousue en plusieurs cahiers.Un bien joli travail.


https://amka-editions.art/

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