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Billet de blog 7 juin 2022

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Histoire de l'Algérie contemporaine: De la Régence d'Alger au Hirak XIXe-XXIe siècles

La quatrième de couverture de ce livre précise qu’il s’agit de la «  première grande synthèse sur l‘Algérie du XIXème au XXIème siècle (…) depuis la régence d’Alger jusqu‘aux manifestations du Hirak ».

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Histoire de l'Algérie contemporaine: De la Régence d'Alger au Hirak XIXe-XXIe siècles, Pierre Vermeren Nouveau Monde éditions, 2022.

La quatrième de couverture de ce livre précise qu’il s’agit de la «  première grande synthèse sur l‘Algérie du XIXème au XXIème siècle (…) depuis la régence d’Alger jusqu‘aux manifestations du Hirak ».

Ce qui saute aux yeux est que Pierre Vermeren n’a pas de temps à perdre : comme son livre, il est pressé, les pages s’égrènent sur un ton sec, rapide, comme s’il n’était soucieux que de remplir son contrat avec l‘éditeur !

A qui s’adresse ce livre, quel en est l‘objectif  si ce n’est à des étudiants qui pourraient creuser ses assertions truffées de faits, de dates et de lieux et rien que cela. Ou encore pour faire date suite à l‘injonction du président de la République française ?

©Dominique Mestrallet

Serait-ce alors un livre de plus sur L’Algérie ? Il y en a déjà beaucoup, la différence de qualité, le souci d‘honnêteté se fait dans le regard, dans l‘approche de son auteur.

Ce dernier écrit que « l‘historiographie de l‘Algérie est déséquilibrée » par les chapitres généralement évoqués. Dont acte sauf que l‘on attendait davantage.

Dans son introduction, il prend soin de définir sa démarche d’historien et d’ajouter que l’histoire est une science humaine ce que tout le monde sait : sauf que l ‘on a l‘histoire on cherche l‘humain !

Il définit quatre grandes périodes historiques : « l’ottomane, peu investie, la coloniale, labourée, la guerre surinvestie et l‘indépendante depuis 1962, presque ignorée ».

Ce livre a certes l‘avantage d’inclure la période ottomane dans l‘histoire de l‘Algérie, souvent laissée de côté, rarement étudiée. Et Pour cause, la première action que fait un envahisseur n‘est-elle pas de brûler les archives ottomanes de la régence d’Alger, ici par les Français, chacun voulant coloniser un pays vierge, sans précédent historique. Chacun niant par la même occasion l‘existence d’un pan entier du peuple des Berbères ! Il est aisé ensuite de proclamer que le pays colonisateur apporte la civilisation.

De plus, les Français ne sont-ils pas« venus avec des barques de dessinateurs, peintres et graveurs afin de marquer l’acte de naissance de l‘Algérie Française et faire histoire ? ».C’est dire leur intention de s’installer durablement dans cette «  Nouvelle France » en écho avec la Nouvelle Angleterre.

L’auteur ne cite même pas dans son texte Kateb Yacine ni Alexis de Tocqueville, pourtant fondamental :

 (…) Nous avons rendu la société plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu‘elle ne l‘était avant de nous connaître…(Rapport sur l‘Algérie, 1847 p 87).

Et aussi : « L’expédition française de 1830 se présente comme libératrice, suivant l‘exemple de Bonaparte au Caire en 1798 »,après y avoir fait les dégâts et les morts partout sur son passage que l‘on sait (c’est moi qui souligne)  :

libératrice de qui, de quoi ? c’est un leurre total, un faux motif  : civilisation ?  libération ? d’un peuple qui n‘a rien demandé !

Tous les éléments invoqués ne suffisent pas à en faire un livre qui fera date !

Dans un autre ouvrage Pierre Vermeren écrivait que  (…) C'est un paradoxe que les Algériens aient intensifié leur immigration vers la métropole en pleine guerre d'Algérie, et plus encore dans les années soixante, une fois la victoire remportée. Ils distinguaient très bien le colonialisme du peuple français. Et leurs intérêts matériels de leurs idées politiques. Le temps et l'ignorance de l'histoire permettent d'occulter les faits (…).Parce qu'il faut plusieurs générations pour oublier ce genre de crime.(Centre de Documentation historique sur l‘Algérie, 17.02.2017).

Je ne sais pas s’il faut répondre à cela par écrit mais c’est assez choquant d’occulter le fait que la France est venue chercher les hommes algériens jeunes et valides pour reconstruire le pays devenu exsangue après la deuxième guerre mondiale.

Je me suis demandée pourquoi ce livre, et je me demande également comment se fait-il que pendant près de 400 pages, aucun aspect positif, aucune empathie n‘apparaît sur ce pays très riche, convoité, pillé, dénaturé, violenté depuis des siècles ?

A trop décrire les colonisations, révoltes et mouvements sociaux en Algérie comme des faits banalisés, le livre reste suspendu à des généralités de surface.

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