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Djalila Dechache

Auteure, chercheure sur l 'Emir Abdelkader l 'Algérien, Kateb Yacine et le théâtre arabe.

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Billet de blog 9 juin 2022

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S’enfouir, Création, Pop Fiction, texte et mise en scène Aline César

Dès l‘entrée dans la salle du théâtre, on ressent une ambiance particulière tout d‘abord par la scénographie, feuillue comme une forêt, herbes hautes, talus, le long d’une route infinie.

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S’enfouir, Création, Pop Fiction, texte et mise en scène Aline César, Compagnie Asphalte avec Véronique Sacri et Yan Péchin, scénographie Johnny Le Bigot, tous publics 1 h environ. Sortie de résidence de création à Plaisir (78) .

Dès l‘entrée dans la salle du théâtre, on ressent une ambiance particulière tout d‘abord par la scénographie, feuillue comme une forêt, herbes hautes, talus, le long d’une route infinie.

Dès que les lumières s‘éteignent dans la salle, sur scène on entend et on voit à jardin, un musicien, sa musique d’une guitare électrique, rauque, sons qui souffrent et sons qui pleurent, sons créés, sons connus, chansons, poèmes …

©Benoîte Fanton

Une femme parle, danse, ce sont ses cheveux  qui dansent et emplissent la scène, puis sa voix, posée : elle joue sur les mots : S’enfouir, s ‘enfuir il n‘y a qu‘un pas, non une petite lettre en plus ou en moins dans ce monde de la nuit où la danse exprime la détresse, le mal-être, le mal-vivre…

Une femme s’en va, rejoint une autre femme dans une boite de nuit. Puis elle s ‘en va encore. S’enfuir.

La femme s‘enfouit dans les herbes, s’y love, dans les bois, s’enfuit, des souvenirs la happe, tout y passe depuis qu‘elle a sept ans, allitération de mots en f,  elle s’enfonce dans le bois dense et feuillu aux bras tentaculaires, elle sourit, jusqu‘à l‘adolescence, après elle ne sourit plus, après c’est la douleur : « s‘enfuir dit-elle ! », passage de route, la nuit surtout, la peau respire la mer, la peau respire la danse, et la musique erre, appuie là où ca fait mal,  extirpe le cœur dans la nuit noire comme les chamanes, des animaux de la  nuit sur le bas côté, témoins ébahis eux aussi de l’errance …

Fiction dans l‘auto, fiction en auto…une route, la route aux mille taches, aux mille effets, successions de voiles qui se déchirent. Ce voyage scolaire en Italie, à 15 ans, tu te souviens ? 

« Le désir est un miroir »  le désir fonctionne, le désir avance et moi j‘avance dans une forêt aveugle... « Le désir est une épiphanie … » aimer une femme, «  entre la route et la lande je l‘embrasse … » elle rit un peu gênée, un peu boostée….Qui suis-je ? je suis la terre brûlée, je suis la Kahina la combattante, j’avance droit face aux regards sales…

La femme se lance dans une danse folle avec ses cheveux épars qui dansent aussi …  elle a besoin de libérer les forces nocives, les regards nocifs qui la jugent… qui l‘éloignent de son amour…

Aline César a écrit et mis en scène son texte en créant d’abord une atmosphère onirique entre chien et loup, entre rêve et réalité. Elle nous a embarqué, on s‘est laissé faire. C’est un spectacle qui pourrait se jouer sans fin véritable, un « road trip » urbain, le temps d’une nuit interminable, elle a crée un nouveau style, une nouvelle forme inconnue et sublime une « pop fiction », inspirée du cinéma peut-être, de la musique telle un personnage à part entière qui donne sa partition au texte, écrit au millimètre, en filigrane, en ellipse parfois.

Et puis des références Marguerite Duras, en cadeau la voix de Marguerite Yourcenar et d’autres encore.

C’est le récit musical du trou noir de la galaxie. Inquiétant, inconnu, ténébreux...Celui d’un coming-out.

Grand vertige, grande efficacité. Grand silence long à la fin de la représentation, c’est tout dire.

N.B  : Prochaines dates de représentations à Paris en octobre 2022, sur compagnieasphalte.com

 et

Aline César vient de sortir un livre passionnant autour de l’œuvre de la dramaturge anglaise du XVIIème siècle Aphra Behn intitulée Aphra Behn-Punk and Poetess, que je chroniquerais prochainement.

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