Figures algériennes, texte et illustrations Halima Guerroumi, préface de Wassyla Tamzali, Orients Editions, 2021, 95 p.
Cela pourrait-être un beau cahier au papier épais que l‘on garde longtemps avec soi, où l‘on écrit ses secrets, citations, remarques, bons mots, croquis et autres traces ; plutôt un carnet de voyages empli d’aquarelles, d’arabesques, de paysages aux ocres affolants. On se dit qu‘il doit faire partie d’une collection à acquérir, à garder et à transmettre. C’est le désir concret de Halima Guerroumi devenue mère donnant à son enfant les clés du matrimoine pour que l’Histoire se poursuive peuplée de figures historiques et actuelles. Pour savoir d’où l‘on vient. En ces temps agités, flous et violents, l’entreprise est importante et nécessaire pour tous, hommes et femmes, garçons et filles de tous pays.

Un point commun relie toutes ses pages : ce sont des portraits de femmes, de femmes algériennes. Elles sont quarante-trois, la plupart connues (Assia Djebar, Cheikha Remitti, Djamila Boupacha...) et d’autres moins (Katia Bengana, Kadra, Lalla Zineb…),« elles ont construit l‘Algérie » dit l‘auteure, et ce du IVème siècle à nos jours.
Tin Hinan, la voix royale
Il s’agit de l’inaugurale du livre, celle qui a ouvert la voix et la voie, elle serait considérée comme la reine fondatrice par sa lignée du peuple touareg, elle a traversé le désert, quittant le Maroc pour le Hoggar d’Algérie : au IV ème siècle le délimité géographique était différent, la terre était une, poreuse, immense, dangereuse et meurtrière.
En 1925 à Abalessa (Hoggar, Algérie) une mission franco-américaine composée d’archéologues ont découvert un mausolée de femme. Cette tombe royale a été estimée datant du IVème ou Vème siècle, elle serait attribuée à celle de Tin Hinan.


(Wassyla Tamzali est avocate à la Cour d’Alger après la guerre d’indépendance. Elle entre à l’UNESCO en 1979 travaillant sur les droits des femmes, avant d’y diriger la promotion de la condition des femmes en Méditerranée en 1996. Auteur à succès, elle se consacre aussi aux Ateliers Sauvages, un centre d’art qu’elle a fondé en 2015 à Alger).
En réalité, toutes ces femmes et tant d’autres sont des battantes, des résistantes face au patriarcat, au colonial, aux invasions, des pionnières aussi parce que l’Algérie est une jeune nation à l’histoire millénaire, traversée par des strates et des strates de peuples qui l‘ont convoitée, meurtrie et colonisée.
C’est beau, c’est émouvant de voir ces femmes aux couleurs intenses de ce pays aimé, idéalisé, conquis, porté en offrande ou en bandoulière sur des visages aux joues rouges parfois, au regard droit ou absent, cerné, au nez pyramidal comme une marque de fabrique.
Cette réalisation est belle, elle se lit lentement pour faire durer le plaisir de la découverte ou de la confirmation des femmes choisies. Cela fait un bien fou de savoir qu‘elles existent ou ont existé pour elles et pour nous, lecteurs et lectrices d’aujourd’hui et de demain.
Sur la page de couverture il y a un signe, une petite étoile avec un cœur rouge qui se retrouve tout au long de la promenade sur le site de la maison d’éditions Orients, des orients comme des personnages, des réalités, des paysages, des rencontres, des réminiscences, des vœux et des désirs à développer. « Celui qui s’oriente sur l’étoile ne se retourne pas. »Léonard de Vinci.
Orients, la maison d’éditions fondée en 2013 n‘a rien à envier aux maisons plus anciennes, elle a choisi de « mettre en lumière la diversité des courants de pensée mais surtout leurs convergences ».
Les ouvrages édités par Orients, Ysabel Saïah-Baudis« visent délibérément le grand public. La place faite à la photo, au dessin, à la caricature, le format parfois ramassé, le prix modique : tout tend à séduire « les jeunes, les paresseux, les gens pressés ». Impossible d’ignorer ces segments de la société quand on veut jeter des ponts entre les peuples et briser des préjugés séculaires… Bref, la paix et la solidarité par la connaissance et l’estime : tel pourrait être le mot d’ordre d’Orients et de sa fondatrice ». (Extrait du texte de Marc Yared sur le site de la maison Orients Editions).
Un très beau programme !
Félicitons l‘auteure Halima Guerroumi, Wassyla Tamzali pour sa préface lumineuse et leur éditrice pour ce très bel ouvrage qui fait voyager, espérer et comprendre.
Djalila Dechache