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Djalila Dechache

Auteure, chercheure sur l 'Emir Abdelkader l 'Algérien, Kateb Yacine et le théâtre arabe.

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Billet de blog 14 avril 2022

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Silsila, le voyage des regards, exposition à l'Institut des Cultures d’Islam Paris .

A en croire la représentation de l’affiche de l’homme au port fier, au regard absent, portant un turban bleu et de rouge vêtu, entouré de fleurs multicolores et le titre de l’exposition, le visiteur s‘attend à entrer dans l‘univers d’un long voyage à travers plusieurs pays, à la manière d’Ibn Jubayr ou encore d’un infatigable Ibn Battuta.

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Silsila, le voyage des regards, exposition à l'Institut des Cultures d’Islam Paris 31 mars -31 juillet 2022.

©affiche Silsila, Cyrus et l‘odeur du lys ( détail) réalisée par Rayan Yasmineh 2021.Lauréat du Prix Carré sur Seine, édition 2021.Photo Marc Domage

A en croire la représentation de l’affiche de l’homme au port fier, au regard absent, portant un turban bleu et de rouge vêtu, entouré de fleurs multicolores et le titre de l’exposition, le visiteur s‘attend à entrer dans l‘univers d’un long voyage à travers plusieurs pays, à la manière d’Ibn Jubayr encore d’un infatigable Ibn Battuta, de la Rihla c’est-à-dire du voyage initiatique à forte valeur didactique.

C’est en cheminant dans les œuvres des artistes présentés que l‘on comprend ce qui est proposé et qui se passe.

Le choix d’entre eux et elles a été effectué sur la base d’artistes émergents, vivant en France ou en Europe et dont «  l‘histoire personnelle ou familiale s’inscrit dans un parcours migratoire ».

A chaque artiste correspond une histoire particulière marquée  d‘événements marquants, déclencheurs d’un changement notable.

La première artiste, l‘iranienne Katâyoum Rouhi, a conçu une œuvre constituée d’arbres, peut-être des bouleaux. Inspirée du film d‘Abbas Kiarostami « Où est la maison de mon ami ? » qui narre la pérégrination d’un enfant à travers les ruelles de son village, recherchant son ami, absent de la classe, à qui il veut remettre son cahier. L’artiste a écrit des vers persans sans doute, phrases à l‘arrondi parfait du farsi, il faut retourner le tableau pour pouvoir lire. Son travail associe poésie et calligraphie. Elle renoue avec la tradition iranienne qui consiste à se réunir entre famille ou avec des mis en pour réciter à voix haute des vers du grand poète Omar Khayyam.  

© visuel Deus-sive-natura-1, Katâyoum Rouhi Photo Marc Domage

Au niveau supérieur de l‘établissement, le visiteur découvre le travail du tunisien Haythem Zakaria, artiste transdisciplinaire, influencé par la cosmogonie et la spiritualité soufie avec ses présentations ésotériques, réservé à l‘initié afin de comprendre les connexions avec les sciences humaines.Son œuvre est hermétique, demande de la patience et du temps pour en comprendre le sens profond par des moyens minimalistes et complexes. Son œuvre est à la fois son cheminement spirituel et réalisation picturale codée.

©visuel talisman de la Basmala,Haythem Zakaria Photo Marc Domage

Deux autres artistes ne laisseront pas indifférent : il s‘agit de Ouassila Arras, lauréate du Prix Prime en 2018, « Portrait de famille » est une installation de tapis volontairement effilochés, défilés pour partie, de différentes manières, de différentes taille sur le sol d’une pièce qui de loin ressemble à s‘y méprendre à une salle de prière, inspire le respect et le besoin de se déchausser, le pied butte sur les monticules de liens de laine, comme il buterait sur des nœuds de longs cheveux, obligent à lever la tête, à réagir. C’est un hommage à sa mère tisseuse, les nœuds ce sont ceux de son histoire avec ses non-dits, ses silences et ses blessures. On imagine la fureur avec laquelle elle a mis en pièces des pans de tapis.« Je me suis rendue compte qu’il valait mieux partir de la fin pour arriver au début, comme une histoire qui est racontée et que l’on veut creuser pour retrouver l’origine. » Ouassila Arras.

©Ouassila Arras Photo Marc Domage 

L’autre artiste, encore plus explicite dans sa douleur due aux non-dits de ses parents, créant une béance dans son cœur propice à y ranger toute sa souffrance. M’Barka Amor performeusevidéaste et plasticienne,intitule son œuvre «  Orientales »  en contre-pied de l‘orientalisme officiel avec des produits typiques : harissa, semoule, henné, produits du quotidien devenus des symboles mythologiques. Tout dégouline de sa vision, dégoulinante de peinture, dégoulinante sur chaque plan où les personnages, les arbres, les objets dégoulinent de larmes de sang. Une ambiance sonore avec en fond la voix de son père depuis son lit d‘hôpital lui livre enfin le motif de son départ pour la France. On sent la peine, la douleur, le désarroi.

©M’Barka Amor Photo Marc domage

Jamais l‘art n‘aura été aussi expressif, aussi chargé de l‘histoire de leurs auteurs et auteures, aussi marqué par les stigmates de la grande Histoire, aussi présent dans la personnification de la douleur qu‘elle soit muette ou criante et surtout explicite afin d‘en exorciser les mauvais esprits, d‘en chasser les fantômes du passé.

C’est la grande force de cette exposition remarquable, remarquée par une génération d‘artistes qui n’acceptent aucun compromis dans la compréhension de leur message. Tout compte fait et au terme de la visite, cette Silsila s‘apparente à un voyage total à travers des esthétiques nouvelles de personnes dotées de sensibilité et de pensée sensibles et nuancées, reliées entre elles. Plus forte que des mots, elle nous incite à réfléchir en profondeur afin de vivre une immersion dans le  champ de l‘art contemporain qui fait appel à tous nos sens.

L‘établissement de la ville de Paris, inauguré en 2013, remplit pleinement sa mission de mixité sociale ainsi que celle de mixité culturelle et artistique. Sa programmation est diversifiée, propice à la découverte et à la rencontre entre les cultures et les arts, pour tous publics.

Institut des Cultures d’Islam, 56 rue Stephenson, 75018 Paris, du mardi au dimanche de 11h à 19 h, sauf le vendredi de 16 h à 20h, fermé le lundi et les jours fériés. Tél : 01 53 09 99 84.www.ici.paris

Les artistes présentés dans cette exposition :

  • Himat M.Ali
  • M’Barka Amor
  • Ouassila Arras
  • Sabrina Belouar
  • Yasmine Benabderrahmane
  • Rachid Boukhata
  • Dalila Dalléas Bouzar
  • Ymane Fakhir
  • Randa Maroufi
  • Katâyoun Rouhi
  • Maya-Inès Touam
  • Rayan Yasminel
  • Haythem Zakaria

Merci  à :

Bérénice Saliou, Commissaire de l‘exposition et Communication

Stéphanie Chazalon, Direction générale 

Nadia Fatnassi, Close Encounters, Attachée de Presse 

Et à Emeric Desroix Service du Développement et Communication

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